Une première lecture des résultats provisoires du scrutin des Législatives de ce dimanche: les cités religieuses ont tourné le dos au pouvoir en place. En effet, au-delà de Touba, longtemps restée fidèle à l’opposition, notamment au Parti démocratique sénégalais (Pds) de Me Abdoulaye Wade, presque tous les autres foyers religieux ont sanctionné Macky Sall.

Une analyse de la cartographie des résultats provisoires officiels des élections législatives délivrées, hier jeudi, par la Commission nationale de recensement des votes (Cnrv), permet d’affirmer, sans risque de se tromper, que le camp présidentiel ne contrôle pas du tout les cités religieuses du pays. Ce, malgré les énormes investissements qui y sont multipliés.

A Touba-Mbacké par exemple, la coalition Benno Bokk Yaakaar (Bby) est largement dominée par l’inter-coalition Yewwi-Wallu avec un score fleuve de près de 100 mille voix d’écart. C’est le cas également à Darou Mousty, la deuxième capitale du Mouridisme, où les responsables Modou Diagne Fada (Directeur général de la Sonacos), Thierno Lô (Pca de Sen Ter), entre autres, ont tout simplement coulé face à des jeunes de la coalition Yewwi Askan Wi. Résultat des courses : les deux députés du département de Kébémer sont revenus à l’opposition.

A Tivaouane, ville jadis contrôlée par Macky Sall depuis son arrivée au pouvoir, la donne a changé. La cité de Seydi El Hadj Malic Sy est tombée dans l’escarcelle de l’opposition. La liste de Benno, conduite par l’ancien président du groupe parlementaire Bby de la précédente Législature, Aymérou Gning, a été sanctionnée aussi bien dans la ville que dans les autres localités du département, dont Ndiassane, capitale de la Khadriya, fondée par Cheikh Bouh Kounta.

A Thiès, située à quelques kilomètres de là, le vent Yewwi n’a presque rien laissé sur son passage. Ainsi, au-delà de la ville, dans le département où Idrissa Seck & Cie ont mordu la poussière, Benno a perdu Thienaba Seck de Mame Amary Ndack Seck.

A Kaolack, Médina Baye et Léona Niassène ont aussi voté contre Macky Sall et ses hommes.

Même situation à Yoff (Dakar) et Cambérène où les populations ont confirmé les tendances des précédentes élections législatives de janvier 2022. Abdoulaye Diouf Sarr et sa coalition sont encore une fois laminés par notamment Yewwi-Wallu.

Position « ambiguë » sur l’homosexualité

Mais qu’est-ce qui pourrait donc expliquer ce « désamour » des cités religieuses vis-à-vis du régime en place ? Même si…pour expliquer cette débâcle dans ces foyers religieux où le Président Sall a pourtant…notamment dans le cadre d’un programme de modernisation.

Certains observateurs pointent la « position ambigüe » de Macky Sall sur la lancinante question autour de l’homosexualité. En effet, même si le chef de l’Etat a toujours réitéré sa position estimant mordicus que « l’homosexualité ne sera jamais légalisée au Sénégal tant qu’il sera à la tête du pays », le rejet par le bureau de l’Assemblée nationale de la proposition de loi criminalisant cette pratique n’est pas sans conséquence sur les résultats du vote de ce dimanche 31 juillet. A cela, s’ajoute la non-signature par la coalition au pouvoir du mémorandum de l’association « And Sàmm Jikko yi ». Celle-ci a d’ailleurs indiqué, en pleine campagne électorale, que sur les 8 coalitions en lice, seules 4 se sont engagées dans la lutte contre l’agenda LGBT en signant ladite charte. « Nous avons soumis ce mémorandum à toutes les coalitions en lice pour le scrutin du 31 juillet 2022. Ce faisant, And Sàmm Jikko yi a voulu se placer du côté des intentions et des contenus de programme et non de celui des coteries et des considérations républicaines en partie à la base de la configuration problématique de notre Assemblée », a déclaré leur coordinateur Ababacar Mboup, qui dit avoir reçu, à ce moment-là, la réponse des coalitions suivantes : Bunt-bi, Wàllu Sénégal, Yewwi Askan wi, Nàtaange Askan wi et AAR (même si elle n’a pas signé n’a pas signé la charte annexée au mémorandum) ».

M. Mboup de préciser, en outre, que « la Coalition Natangué Askan wi a signé sans réserve la charte d’engagement. Bunt-bi a émis une réserve sur la peine de mort. Yewwi Askanwi s’est aussi engagé pour l’essentiel et a émis des réserves sur le contenu et/ou les modalités afférentes à certaines questions. Wàllu est d’accord sur la criminalisation de l’homosexualité et la lutte contre l’agenda pro-Lgbt, mais estime que les autres éléments du mémorandum feront l’objet de traitement individuellement par chaque membre de leur Coalition ».

A rappeler que parmi les 17 points soumis aux coalitions, il y a la criminalisation de l’homosexualité, l’arrêt de l’agenda LGBT, l’instauration de la peine de mort au Sénégal, le contrôle de l’action gouvernementale, l’évaluation des politiques publique entre autres.

« Les marabouts, des citoyens comme tous les autres »

L’autre fait qui pourrait expliquer cette débâcle, d’après toujours des observateurs du jeu politique, ce sont les propos polémiques tenus sur les marabouts par le candidat d’alors, Macky Sall, entre les deux tours de la Présidentielle de 2012. D’ailleurs, lors de son dernier voyage à Tivaouane où il procédait, le 25 juin 2022, au lancement des travaux d’un hôpital de niveau 3, à l’occasion du centenaire de la disparition de Mame Maodo, le Chef de l’Etat a tenu à repréciser sa pensée, 10 ans après. « J’avais simplement donné une position claire à l’époque. J’avais dit que les marabouts étaient des citoyens comme tous les autres citoyens. Ce dernier est quelqu’un qui fait partie de la nation et qui jouit de tous ses droits », a notamment affirmé Macky Sall.

Mais, ces précisions ne semblent pas convaincre, du moins chez l’écrasante majorité des électeurs habitants ces cités religieuses.

seneweb

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