C’est la 4e fois dans l’histoire qu’un Président sénégalais assure la présidence de l’organisation panafricaine, après Léopold Sédar Senghor en 1980 et Abdou Diouf à deux reprises en 1985 et 1992.
Elu à la 35ème Session ordinaire de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement pour assurer la présidence de l’Union Africaine(UA) en 2022-2023, le Président Macky Sall a un vaste chantier devant lui.
Des défis sont nombreux et pressants qu’il s’agisse de la paix et de la sécurité, de la lutte contre le terrorisme, de la protection de l’environnement, de la santé et du développement social.
Des urgences sont aussi économiques car l’Afrique continue d’accuser du retard dans le domaine du développement malgré ses énormes potentialités.
Par ailleurs, des progrès ont été accomplis dans le cadre d’initiatives majeures telles que le NEPAD, le PIDA, le MAEP, la Vision 2063, la réforme institutionnelle, la Grande Muraille Verte, la ZLECAF et plus récemment la riposte coordonnée contre la pandémie COVID-19.
C’est l’occasion pour le journal de l’économie sénégalaise (Lejecos) de revenir sur les grandes orientations économiques de Son Excellence Macky SALL qui compte imprimer sa marque à la Présidence de l’Union Africaine.
- Une Afrique sociale, solidaire et inclusive
Pour le nouveau Président de l’UA, l’Afrique émergente doit être aussi le continent qui compte pleinement sur ses forces vives : les jeunes et les femmes. Ainsi, les jeunes doivent rester au centre des politiques publiques, parce qu’ils constituent la majorité de la population africaine, et que l’on peut tirer avantage du dividende démographique que si la jeunesse reçoit l’éducation et la formation adéquates qui la préparent à la vie active. La condition féminine interpelle également, parce que les femmes constituent l’autre moitié du continent. De même, l’Afrique ne peut se développer quand des millions de femmes et de filles continuent de subir des traitements violents, inégalitaires et discriminatoires
- Une Afrique émergente et plus résiliente
Il sera aussi question de consacrer à toutes les énergies positives qui contribuent à la transformation structurelle du continent, en faisant émerger l’Afrique des infrastructures routières, autoroutières, ferroviaires, portuaires et aéroportuaires ; l’Afrique des centrales électriques, de l’agro business, des plateformes industrielles et numériques.
L’Afrique doit se trouver sur la voie de l’émergence en vue de bâtir une résilience en matière de sécurité nutritionnelle. Autrement dit, il s’agit de renforcer les systèmes agro-alimentaires et les systèmes de santé et de protection sociale pour accélérer le développement socio-économique et du capital humain. Aussi, la question de la jeunesse créative qui entreprend et réussit, constitue une grande priorité. Enfin, le Président en exercice prône un capital humain de qualité qui travaille, investit et crée de la richesse.
- Une Afrique plus sécurisée et de paix
Pour le Président de l’UA en exercice, les antagonismes dispersent les efforts et retardent sur le chemin du développement. Il s’agit donc de faire taire les armes et construire une culture de dialogue et de concertation dans le cadre des mécanismes africains de résolution des conflits. Ce qui appelle à un examen de conscience pour réaliser la paix des braves afin de mieux se consacrer aux autres urgences qui préoccupent.
- Une Afrique plus souveraine
Un autre défi est l’urgence de réaliser notre souveraineté alimentaire en produisant plus et mieux dans l’agriculture, l’élevage et la pêche par la modernisation des outils et méthodes de production, de conservation et de transformation ; l’amélioration des intrants, la maitrise de l’eau, le développement des chaines de valeurs et la facilitation de l’accès aux marchés. Il en est ainsi de la nécessité d’assurer au plus vite la souveraineté pharmaceutique et médicale.
- Une Afrique plus renforcée dans le cadre d’une gouvernance saine
Si le destin du continent se joue entre ses mains, il reste aussi tributaire d’une gouvernance politique, économique et financière mondiale qui fait peu de place aux pays africains. A cet égard, le plaidoyer sera poursuivi pour un multilatéralisme plus ouvert, plus transparent et plus inclusif.
L’impératif de résultat presse de mettre en œuvre des réformes hardies pour améliorer les performances de l’Union, y compris par le renforcement de ses capacités financières. C’est le cas de la répartition du travail entre l’Union, les Communautés économiques régionales et les Mécanismes régionaux ; à la réforme des organes judiciaires et quasi judiciaires ; à l’opérationnalisation du Fonds pour la paix et de la Force africaine en attente, ainsi qu’à une meilleure articulation des Agences.
C’est la raison pour laquelle la réforme de la gouvernance économique et financière internationale pour un meilleur accès de nos pays aux sources de financement du développement constitue également une priorité dans l’actuelle mandature. En effet, les économies africaines sont sous financées, parce que des règles et procédures rigides entravent l’accès de l’Afrique à des prêts consistants de longue durée, et à des conditions soutenables, pour le financement de son développement.
En outre, les économies africaines sont aussi mal financées, parce qu’elles continuent de payer des taux d’intérêt trop élevés, à cause d’un système inéquitable d’évaluation du risque d’investissement en Afrique. A titre d’exemple, en 2020, alors que le monde entier subissait de plein fouet l’impact de la COVID-19, 18 des 32 pays africains évalués par au moins une des grandes agences d’évaluation ont vu leur notation dégradée ; soit 56% contre une moyenne mondiale de 31%. D’autre part, des études montrent qu’au moins 20% des paramètres de notation des pays africains dépendent de facteurs plutôt subjectifs, par exemple d’ordre culturel ou linguistique, donc sans relation avec les fondamentaux qui déterminent la stabilité d’une économie.
Tout cela fait que la perception du risque d’investissement en Afrique reste toujours plus élevée que le risque réel ; ce qui renchérit les primes d’assurance, rend le crédit plus cher et pénalise ainsi la compétitivité de nos économies. Avec le soutien de la Commission, il parait nécessaire de mettre en place une task force de l’Union pour étudier la problématique du financement des économies africaines, y compris par la réforme des règles de l’OCDE y afférentes, la création d’une Agence panafricaine de notation et la mise en place d’un Mécanisme de stabilité financière sur lequel la Banque Africaine de Développement travaille déjà.
D’autres efforts pourraient davantage porter sur l’harmonisation de nos législations nationales et l’échange de bonnes pratiques dans l’industrie minière et des hydrocarbures pour une meilleure rémunération de nos ressources. Ces chantiers pourraient certes prendre du temps, mais il semble nécessaire de passer des revendications aux actes en jetant les fondements de leur construction.
- Une Afrique capable de mobiliser davantage de ressources sur les marchés financiers
Dans l’immédiat, un plaidoyer est nécessaire pour la réallocation des Droits de Tirages Spéciaux (DTS). Avec l’émission historique de DTS à hauteur de 650 milliards de dollars, l’Afrique a pu disposer de son quota de 33 milliards de dollars pour renforcer sa résilience. C’est un acquis considérable. Mais au regard de l’impact profond de la crise, l’Afrique a besoin d’un financement additionnel d’au moins 252 milliards de dollars d’ici à 2025 pour contenir le choc et amorcer sa relance économique. En conséquence, il est souhaitable d’obtenir une réallocation de 100 milliards de dollars de DTS de pays riches, en faveur des pays africains, selon des modalités à convenir.
En plus du Fonds Monétaire International, il est important qu’une partie des DTS soit réallouée via la Banque Africaine de Développement, compte tenu de son expérience pratique et efficace dans le financement du développement en Afrique. En outre, afin d’élargir nos possibilités de financement de grands projets de développement, à l’image de IDA 20, le moment est venu de modifier l’Accord portant création du Fonds africain pour le Développement (FAD) ; ce qui lui permettra d’accéder aux marchés des capitaux et lever 33 milliards de dollars, en complément de ses fonds propres de 25 milliards de dollars.
Avec plus de ressources, le FAD pourra davantage soutenir les efforts de développement de nos pays. En conséquence, les partenaires doivent s’engager dans le travail de modernisation du FAD, à l’instar d’autres Institutions similaires, d’autant plus que son statut est resté quasiment inchangé depuis sa création en 1972.
- Une Afrique plus verte
Un autre défi est celui de la transition énergétique dans le contexte de la lutte contre le réchauffement climatique dont l’Afrique est partie prenante. En marge de la COP 26 de Glasgow, des pays ont unilatéralement pris la décision de mettre fin au financement extérieur d’énergies fossiles, même propres comme le gaz, alors que certains parmi eux continuent d’utiliser des sources aussi polluantes que le charbon et le fuel.
Au moment où, avec les importantes découvertes de ces dernières années, le gaz ouvre pour nos pays de réelles perspectives d’accès universel à l’électricité et de soutien à l’industrialisation, arrêter le financement de la filière gazière porterait gravement atteinte à nos efforts de développement économique et social. C’est pourquoi, en restant engagés dans la lutte contre le réchauffement climatique selon le principe de la responsabilité commune mais différenciée, il est tout à fait légitime que nos pays réclament une transition énergétique juste et équitable.
- Une Afrique culturelle
L’Afrique voulue est celle qui recouvre l’intégralité de son patrimoine culturel. La restitution de son patrimoine spolié restera au cœur de l’agenda du Président en exercice de l’UA, parce que celui-ci fait partie intégrante de notre identité civilisationnelle ; c’est ce qui nous relie à notre passé et forme le viatique à léguer aux générations futures. L’Afrique à bâtir ne peut faire l’impasse sur son héritage culturel.
Lejecos
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