Alors qu’elles devraient être en train de brouter de verts pâturages, les vaches se retrouvent au régime sec à mastiquer le fourrage réservé pour l’hiver. Conséquence très concrète du réchauffement climatique, la sécheresse, conjuguée avec les derniers chocs économiques successifs, met à mal les éleveurs de vaches laitières qui peinent à nourrir leur cheptel.

Déjà à un niveau très élevé, le prix du lait va encore augmenter à cause de la sécheresse historique en cours en France, car les éleveurs n’ont plus assez d’herbe pour nourrir leurs vaches, avec des conséquences en cascade sur l’ensemble des produits laitiers.

« Les augmentations de prix, qui existent depuis plusieurs mois, vont perdurer sur les produits laitiers », dit Benoît Rouyer, directeur économique du Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel). En un an, une succession de chocs a nourri l’inflation sur les produits alimentaires, entre la rapide reprise post-Covid et la guerre en Ukraine. Pour les produits laitiers, le prix des yaourts a augmenté de 4,5 % entre juin 2021 et juin 2022, le lait demi-écrémé en brique ou en bouteille de 4,5 %, le beurre de 9,8 % et le fromage de 5,2 %.

« Mauvaise nouvelle pour le consommateur, on ne voit pas l’inflation baisser sur les produits laitiers dans les semaines à venir », poursuit l’économiste. Le réchauffement climatique a lui aussi eu un impact très concret. Il y a d’abord eu un mois de mai anormalement chaud et sec, puis trois épisodes de canicule en juin, en juillet et début août. La sécheresse est « la plus marquée des 70 dernières années », relève Christian Huyghe, directeur scientifique Agriculture de l’Inrae.

Résultat, la production d’herbe a baissé de 21 % au 20 juillet par rapport à la normale, à une période où les vaches laitières se nourrissent en grande partie au pâturage, selon les données d’Agreste, le service statistique du ministère de l’Agriculture.

Lorsque dans les prairies, l’herbe n’est plus verte, trois options se présentent aux éleveurs : puiser dans leurs stocks de fourrage prévus pour l’hiver, acheter de l’alimentation animale, ou vendre une partie du cheptel pour réduire leurs charges. Les prix des aliments pour les vaches laitières ayant augmenté de 25,9 % en mai par rapport à mai 2021 selon Agreste, de nombreux éleveurs s’accordent à dire que le plus rentable reste de se séparer d’une partie de ses animaux.

Vers un euro le litre de lait ?
Il y aura encore du lait dans les rayons, mais un « manque de lait » pourra se faire sentir, estime Benoît Rouyer. « Globalement, un manque de lait va induire une diminution des possibilités de produire du beurre, de la crème, des briques de lait, des fromages… Et quand vous avez un manque de produit, qu’importe la filière, il y a un impact sur le prix », explique-t-il.

Avec une subtilité : dans le système agroalimentaire actuel, des négociations commerciales sur les prix alimentaires ont lieu une fois par an et les prix auxquels les distributeurs (hyper et supermarchés…) achètent le lait aux producteurs ne montent pas automatiquement au rythme des hausses des coûts de production subies par les éleveurs.

Les négociations ont été rouvertes au printemps, et la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) demande que le litre de lait vendu dans les rayons de supermarchés approche l’euro d’ici la rentrée « contre 78 centimes en hard-discount », selon les observations que leur réseau a menées cet été.

En 2021, les prix du lait de vache payés aux producteurs s’élevaient à environ 390 euros les 1.000 litres en moyenne, en hausse de 4,3 % par rapport à 2020. Si le prix est monté à 427 euros en mai 2022, les syndicats clament que ce nouveau prix ne couvre toujours pas leurs coûts de production et demandent de nouvelles hausses.

En comparaison, « en Allemagne, la tonne de lait coûte 480 euros, en Belgique c’est environ 500 euros et aux Pays-Bas, on monte à 540 euros les mille litres », explique Thierry Roquefeuil, président de la FNPL. Si la France n’atteint pas les niveaux de ses voisins européens sur le prix du lait, la fédération menace de passer à « un syndicalisme de destruction » à la rentrée, prévient-il.

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