Dans le flou des milliards du Covid-19, le marché du riz a brassé plus que des sacs : des zones d’ombre. L’audition de Moustapha Ndiaye met à nu une faille juridique qui a, pour l’instant, fait obstacle à sa mise en cause, assure L’Observateur.
Alors que plusieurs responsables ont été interpellés et placés sous mandat de dépôt, Moustapha Ndiaye, lui, a échappé à cette première vague de convocations.
Non pas par hasard, mais parce qu’un point juridique soulevé dans le rapport de la Cour des comptes s’est révélé inexact : l’arrêté évoqué pour justifier une surfacturation remontait à 2013, et était donc inapplicable en 2020. Ce détail a changé la donne. Car au Sénégal, le cadre juridique en matière de vente de denrées alimentaires repose, sauf exceptions, sur la liberté des prix.
Seuls quelques produits sont encadrés par arrêté ministériel : le riz brisé asiatique, le pain, le sucre en sac de 50 kilos, l’huile de palme en bidon d’un litre, le ciment et le fer à béton FE400.
Et encore, cet encadrement ne peut durer que trois mois, renouvelable une seule fois après avis du Conseil national de la concertation.
Ainsi, expliquent des sources judiciaires, dans le cas de Moustapha Ndiaye, le cadre légal ne permettait pas d’appliquer une grille tarifaire fixée pour la période concernée.
Ce qui a momentanément allégé sa situation.
Dans l’épais nuage de milliards brassés pendant la pandémie, le marché du riz s’est imposé comme l’un des plus opaques, engloutissant des montants vertigineux issus des fonds Force Covid-19. C’est là que les enquêteurs de la Division des investigations criminelles (DIC) ont commencé à creuser, convoquant tour à tour les opérateurs économiques ayant remporté de juteux contrats.
Parmi eux, le sénégalo-libanais Rayane Hachem, propriétaire de Planet Kébab, entendu dès les premières heures de l’enquête préliminaire menée par le commissaire Adramé Sarr.
L’attention s’est également portée sur un autre acteur clé du dispositif : Moustapha Ndiaye, grand importateur de riz. À la différence d’autres fournisseurs, son passage devant les enquêteurs n’a pas débouché sur une mesure de garde à vue. Une position singulière, rendue possible par une erreur de date dans le rapport de la Cour des comptes, qui a ouvert une brèche juridique en sa faveur.
Son audition a été sollicitée suite à un soit transmis du Procureur près le tribunal de grande instance hors classe de Dakar, Ibrahima Ndoye.
Convoqué et entendu dans la journée du jeudi 18 avril, Moustapha Ndiaye a expliqué avoir été informé par les services du ministère du Commerce que le ministère du Développement communautaire avait un besoin urgent de riz, et que sa société serait sollicitée directement, sans appel à la concurrence, pour une commande de 30 000 tonnes.
« C’est Aliou Sow, alors DAGE du ministère, qui m’a contacté en premier », a-t-il précisé.
Ce dernier lui aurait indiqué que la commande se ferait au prix du marché et que le paiement interviendrait après livraison. À l’origine, la commande portait sur 65 000 tonnes, mais Moustapha Ndiaye a reconnu ne pouvoir en livrer que 30 000, ce qui a été validé.
Pour appuyer ses propos, l’opérateur a remis une liasse de documents, des pièces versées au dossier, censées établir la régularité de la transaction. L’enquête se poursuit. Car dans la traque aux irrégularités sur les marchés publics liés à la pandémie, chaque pièce du puzzle compte.
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