La tenue de la Déclaration de politique générale du Premier ministre Ousmane Sonko est à la base d’une crise institutionnelle durant les trois premiers mois du nouveau régime. A l’Assemblée nationale, le pouvoir et la nouvelle opposition majoritaire n’arrivent pas à s’accorder sur la date de la Dpg, à la suite de la sortie des députés de Yewwi askan wi (Yaw) qui soutiennent que rien ne contraint, au niveau du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, le Premier ministre de la faire à une date précise.

Fixant un ultimatum aux députés pour la mise à jour du Règlement intérieur, au risque de faire sa Dpg en dehors de l’Hémicycle, le chef du gouvernement se heurte à l’hostilité des députés de Bby qui l’accusent de «violer» la Constitution.

Les 100 premiers jours du nouveau régime ont été marqués par une crise consécutive à la sortie des députés de la Coalition Yewwi askan wi (Yaw).

Ces derniers, sous la conduite de leur président de groupe parlementaire, Ayib Daffé, ont soutenu, en effet, que la Déclaration de politique générale (Dpg) du Premier ministre n’est pas une obligation.

Puisque, selon ces députés du pouvoir, «l’Assemblée nationale a supprimé le poste de Premier ministre ainsi que la Dpg de son Règlement intérieur».

Selon Ayib Daffé, le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale ne la prévoit pas. S’il soutient que la Dpg est prévue dans la Constitution, il note que cette déclaration ne figure pas dans le Règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Ayib Daffé parle de falsification du document en y ajoutant des dispositions qui n’ont pas fait l’objet de révision.

Dans une lettre adressée au Pm pour le dissuader de venir à l’Assemblée nationale, pointant ainsi, comme ses collègues, les «carences» du Règlement intérieur de l’Hémicycle, le député Guy Marius Sagna reçoit une réponse de Ousmane Sonko arguant qu’il ne tiendrait sa Dpg devant cette Assemblée «qu’une fois que la majorité parlementaire se sera amendée en réinscrivant dans le Règlement intérieur l’ensemble des dispositions relatives au Premier ministre».

Fixant ainsi un ultimatum aux députés, qui expire le 15 juillet 2024, s’ils n’arrivent pas à «résoudre» ce problème, il ferait cette Déclaration de politique générale devant une assemblée constituée du Peuple sénégalais souverain, de partenaires du Sénégal et d’un jury composé d’universitaires, d’intellectuels et d’acteurs citoyens apolitiques.

Le camp de l’opposition apporte sa réplique. Il estime que leurs «collègues du Groupe parlementaire Yewwi askan wi ont cru devoir se substituer au Premier ministre en violant honteusement le principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs».

Les députés Bby ne manquent pas d’exhorter le Pm de «satisfaire son obligation de faire sa Déclaration de politique générale», qui est un «moment important de débat démocratique, conformément à l’article 55 de la Constitution, socle de l’éthique et de la courtoisie républicaines dans les relations entre l’institution parlementaire et le gouvernement».

«Gatsa gatsa» institutionnel
Un malaise s’installe entre le Pouvoir législatif et le Pouvoir exécutif avec comme point d’orgue un fait rare à souligner, qui est l’annulation du Débat d’orientation budgétaire par le Bureau de l’Assemblée nationale. «Le Bureau de l’Assemblée nationale a décidé souverainement de surseoir aujourd’hui au Débat d’orientation budgétaire (Dob).

C’est pourquoi, comme vous l’avez vu tout à l’heure, le ministre des Finances et son équipe se sont retirés», avait déclaré Abdou Mbow, président du Groupe parlementaire Benno bokk yaakaar, ajoutant que la Conférence des présidents a été informée de cette décision.

«Le Premier ministre Ous­mane Sonko a réduit l’Assem­blée nationale à sa plus simple expression.

C’est pourquoi le Bureau de la Représentation nationale a décidé souverainement de surseoir au Débat d’orientation budgétaire qui devait se tenir aujourd’hui», avait ajouté Abdou Mbow.

Le président d’Alternance générationnelle pour l’intérêt de la République (Agir), Thier­no Bocoum, sort de sa réserve pour «critiquer» le «refus» du Pm de se rendre à l’Assemblée nationale pour faire sa Dpg.

«Si Ousmane Sonko fait sa Dpg ailleurs, il commet un coup d’Etat institutionnel», fait savoir Thierno Bocoum, qui s’écarte de la position de l’ancienne Pm Mimi Touré, qui réclame la dissolution de l’Assemblée nationale dès le 31 juillet, parce que, dit-elle, cette législature ne reflète pas la volonté populaire.

Un argument battu en brèche par M. Bocoum, qui précise que «la légitimité d’une Assemblée nationale ne dépend pas de celle d’un président de la République», mais que «cette légitimité s’exerce durant un mandat» et que «les députés d’aujourd’hui sont ceux du Peuple».

La Coalition Benno bokk yaakaar affiche, pour sa part, sa ferme volonté de faire abroger les dispositions qui permettent au président de la République de dissoudre le Parlement.

Des députés s’activent pour éviter au Sénégal de s’enliser dans une crise institutionnelle en initiant des propositions de loi pour «corriger» le Rè­glement intérieur de l’Assemblée nationale.

Le député Cheikh Abdou Mbacké Bara Dolli, vice-président du Groupe parlementaire Liberté, démocratie et changement, dépose une proposition de loi modifiant la loi organique n°2002-20 du 15 mai 2002 portant Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, tel que modifié.

La députée Nafissatou Diallo du Pds en fait autant, soutenue dans cette démarche par ses autres collègues, à savoir les honorables députés Ibrahima Diop et Serigne Abo Mbacké Thiam. Cette loi organique vise à aligner le Règlement intérieur sur les modifications constitutionnelles récentes, notamment la restauration du poste de Premier ministre.

lequotidien

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