A l’heure où le Sénégal regarde l’avenir avec un certain penchant pour le modernisme, l’œil de Junio préfère convoquer le passé. L’artiste photographe expose ses œuvres dans le cadre du Off du festival Saint-Louis jazz au «Ndar Ndar café music». Il montre l’état des gares majeures de l’ancienne capitale du Sénégal à l’actuelle, pour en exposer leur profondeur historique et leur marque récente qui épousent les conjonctures.

Une promenade dans l’Histoire ! C’est l’invitation que Massow Kâ, alias El Junio, a faite. L’artiste photographe expose 24 œuvres au «Ndar Ndar café music» dans le cadre du Off du Saint-Louis jazz. Gare yi est une plongée dans le Sénégal d’hier. Junio montre différentes gares du Sénégal à travers des clichés originaux. Un Bienvenue au Walo accueille le visiteur. C’est le début de la rubrique des portraits de l’ancienne gare de Saint-Louis. «L’histoire des lignes ferroviaires est étroitement liée à celle de nos anciens royaumes. Ensuite, il faut savoir que Ndar (Saint-Louis) se prolonge jusqu’à Podor», a affirmé le Saint-Louisien photographe, El Junio.

La gare de Saint-Louis, dans son état architectural, présente presque le même visage que les autres gares de l’intérieur du pays citées dans l’expo-photo (Louga, Tivaouane et Thiès). Elle garde paradoxalement son charme et sa belle allure dans sa décrépitude contrariante et son paysage sépia. Toutes ces gares, dans leur assertion infrastructurelle, sont abandonnées au sort de leur perdition et dans leurs mythes. Ce retour vers le passé est accentué par cet imposant sac de voyage noir calé entre les photos. Nul doute qu’il a fait fantasmer sur l’idée de tous ceux qui ont pu le porter. Comme si le cliché est en fait un miroir qui met le visiteur devant sa responsabilité.
Qu’a-t-on fait pour les conserver ? C’est l’une des innombrables questions qui ne manqueront pas de tarauder l’esprit du visiteur.

Toutefois, sur les photos, au-delà des souvenances et symboles, on a les transformations actuelles des gares. L’ancienne gare de Saint-Louis est transformée en un immense souk qui ravit la vedette au vestige. Hommes, femmes, enfants et marchandises y ont établi leurs quartiers de manière continuelle. A celle de Louga, toute une vie s’y est formée. Maisons, étals, mosquées, repaire de mendiants et route s’y sont imposés. L’ancienne gare de Tivaouane, inaugurée le 18 octobre 1897 par le ministre des Colonies, André Lebon (texte visible sur la plaque inaugurative), garde encore quelque peu sa saveur historique.

Elle survit dans les hagiographies de la famille Sy et tient encore avec l’utilisation de ses bâtiments par les Industries chimiques du Sénégal (Ics). Cette entreprise d’exploitation du phosphate des Niayes utilise aussi les installations de l’ancienne gare de Thiès. Cette dernière prend encore du temps pour pleinement basculer dans l’histoire. Elle s’intègre dans le mouvement social local où les gens rappellent toujours qu’ils sont les seuls à avoir eu deux gares. Le souvenir de la Grève des cheminots reste elle aussi vivace. «Dans la deuxième phase de représentation, je prévois d’ailleurs des mises en scène de ce mouvement syndical historique», note par ailleurs Massow Kâ, qui confie que le projet Gare yi se conclura à Bamako (Mali) et devrait aboutir à un livre, une série de podcasts et des captations vidéo.

«L’idée de base, c’était de se concentrer sur les architectures des gares du Sénégal. Mais le travail de l’art étant une œuvre d’art en soi, la vision et l’articulation du projet s’amélioraient au fur et à mesure. Je me suis intéressé aux occupations de ces gares et leurs transformations avec les urbanismes locaux», explique Massow Kâ dont le propos dans cette exposition est également politique. Le projet est né en 2018. En 2019, l’Etat annonçait le Train express régional (Ter) et suscitait, par-là, un grand enthousiasme à côté des critiques. Il faisait renaître plus qu’un moyen de transport, un outil précieux de notre patrimoine.
lequotidien

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