Depuis quelques mois un bilan macabre confirme la recrudescence de l’immigration clandestine, entre interceptions de pirogues et repêchages dans les eaux marines, le phénomène migratoire a pris une nouvelle dimension extrêmement importante.

Si on est arrivé à un niveau ou les jeunes pensent qu’ils ne peuvent plus réussir dans leur pays, préférant braver la mer avec ses incertitudes, c’est parce qu’on a dépassé une limite qu’on ne devait pas franchir. Le summum du désespoir pour une jeunesse sans avenir ?

Une jeunesse perdue, désorientée, en manque de perspective. Une société en pleine ébullition avec ses réalités.

Des logiques sociales manifestes. Les jeunes veulent seulement réussir. La solution est-elle de partir ? Partir pour devenir quelqu’un, pour s’en sortir, pour être signifiant, une volonté de dépasser la situation présente. Le poids social est bien présent. Que dire des injonctions de la famille ! Ce que l’effondrement de la couche sociale  fait brutalement apparaitre, c’est l’oblitération de la dimension de l’avenir dans nos sociétés, l’impuissance à se figurer un avenir dont on peut se demander si la foi dans les lendemains qui chantent n’était pas purement et simplement un masque.

C’est au moment où la jeunesse ne se reconnait plus comme jamais auparavant le pouvoir sur son avenir, qu’elle se pose concrètement en mesure de planifier, d’organiser, de risquer.

Le risque se légitime et se donne comme l’instance de l’avenir, le lieu où les décisions s’élaborent en fonction de la suprême responsabilité du futur. Ainsi, au moment où s’affirme la responsabilité de chacun envers l’avenir, et l’impuissance sur l’avenir, ce dernier se dérobe, et radicalement. L’idée de partir n’en est qu’un avatar éminent.

 Mais regardons le sort de notre Président actuel, l’écho profond qu’il a rencontré, l’intérêt et l’espoir qu’il a suscité étaient à la mesure de cette question de l’avenir.

Seulement la question est plus lourde et qu’il est parvenu à mal le supporter. De là, ses éclipses, et le fossé patent entre le capital de légitimité dont il dispose dans l’opinion et sa capacité réelle d’influence faute d’avoir pu apporter ne serait-ce qu’un début de réponse crédible au problème qui l’appelle, hors des fantasmes d’apocalypse ou des rêveries agrestes, faute de pouvoir donner le sentiment qu’il est efficacement en prise sur d’authentiques potentialités d’évolution.

Il faut convenir qu’on a pas eu ne serait-ce qu’un début d’alternative.

Toujours en position d’éviter le pire, et c’est tout. Une gestion gabégique qui absorbe cancéreusement le devenir du pays.

Mais pour aller au plus profond de ce qui se passe de réellement important et de réellement significatif avec le retour au premier plan de l’immigration clandestine, il est besoin de prendre un certain recul historique. Il convient de se demander très précisément  si nous n’assistons pas à une de ces grandes oscillations que connaissement périodiquement nos sociétés depuis l’indépendance.

Oscillations liées à la difficulté que nos dirigeants éprouvent à penser de façon efficace une politique de jeunesse. Une jeunesse marginalisée, laissée à elle-même avec des pseudo emploi fortement politisé. Le mal de notre société est politicien.

 Pour s’en tenir à un repérage élémentaire du phénomène à défaut de l’historique rappelons-nous des années 2000.

L’espoir du changement porté par une alternance a finalement accouché d’une petite souris malade de désespoir. « A plus b = b plus a, ce théorème de mathématique peut être transposé en théorème de politique ». Un théorème totalement maitrisé par ce régime en place. Pourtant DJ Awadi de PBS à l’époque avait alerté manifestant son courroux face à ce même phénomène,

« Le message de SUNUGAAL c’est que je dis aux politiciens la déception des jeunes quant à leur gestion du pays. Je parle des multiples promesses non tenues, je parle du rêve brisé, des scandales en tout genre, tout ce qui décourage les jeunes à rester au pays. Mes frères fuient l’enfer vers un eldorado qui n’en est plus un.

Je leurs propose de rester, de ne pas faire attention à la médiocratie et de se réaliser en comptant dorénavant sur eux-mêmes, sur leur propre force ». Que dire de ces propos ! A la fois critique aux autorités et conseil à la jeunesse.

Ce que nous vivons depuis les indépendances, nous commençons à mieux le discerner avec le recul.

L’installation de politiciens véreux aux postes de responsabilité est le foyer visible d’une transformation qui affecte l’ensemble de la société. L’impunité et le clientélisme deviennent le centre de gravité de ce remaniement. Une situation de déséquilibre qui donne la formule théorique d’une crise où s’enfonce la jeunesse.

Comment ne pas relever une affinité entre ce régime et les différentes transformations de la société sénégalaise ? Comment ignorer sa connivence avec l’avènement de phénomènes nouveaux ? C’est dire la difficulté extrême d’embrasser le problème dans les limites d’un article.

La recrudescence de l’immigration est la suite logique d’une incapacité de nos dirigeants à proposer une réponse satisfaisante face aux demandes de la jeunesse.

Alors qu’ils avaient l’obligation de rendre à cette jeunesse la plénitude de son rôle. Il urge de redéfinir la politique de la jeunesse au Sénégal pour mieux la pratiquer. Encore mieux, il faut repenser la politique.

Pour paraphraser Ernest Renan, je vais remplacer l’ « l’humanité » par le Sénégal en disant : Pauvre Sénégal, que tu as souffert ! que d’épreuves t’attendent encore ! Puisse l’esprit de sagesse te guider pour te préserver des innombrables dangers dont ta route est semée !

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