Dakar abrite depuis hier, une rencontre de haut niveau portant sur les enquêtes et poursuites liées aux crimes internationaux et qui réunit des procureurs, des juges d’instruction et des avocats. Alors que le secteur souffre de sous-financements, la criminalité se complexifie.

Nouveau ministre de la Justice, Ismaïla Madior Fall a présidé hier un séminaire portant perfectionnement sur les enquêtes et poursuites liées aux crimes internationaux, organisé à Dakar et initié par la Fondation Konrad Adenauer. 20 procureurs, juges d’instruction et avocats venus de différents pays africains y prennent part pour affiner davantage leurs connaissances alors que la criminalité est devenue plus complexe.

Il dit : «Ces défis sont notamment d’ordre procédural parce que souvent lorsque c’est à un Tribunal spécial d’identifier le Tribunal compétent, ce n’est pas le cas pour les juridictions nationales. Il y aussi un problème d’ordre organisationnel et à cela s’ajoutent les difficultés liées aux modules spécifiques sur la justice pénale internationale dans les écoles de police et de magistrature…»

Pour le nouveau Garde des sceaux, il y a des efforts à faire : «Chacune des expertises coûte très cher et les budgets des ministères de la Justice de pays africains dé­passent rarement 1% du budget national. Souvent ce sont la défense, l’enseignement et la santé qui prennent le budget, mais contrairement à ce l’on pense, la Justice n’a pas de budget. La plupart des ministères de la Justice ont un budget qui avoisine légèrement 1% et parfois même au-dessus de 1%.» En dépit de ces pesanteurs, IMF admet que le Sénégal est un Etat de droit qui a une justice réputée. «Le Sg des Nations unies disait qu’à chaque fois qu’on pense à un séminaire sur les crimes internationaux, on pense au Sénégal.

Parce que le Sénégal est un pays qui a une bonne réputation en matière de Justice et en matière d’Etat de droit. On n’oublie que c’est le premier pays à avoir ratifié la Cour pénale internationale. Donc, le Sénégal est un pays de droit et je suis fier d’être à la tête du ministère de la Justice d’un pays qui a une bonne réputation en matière d’Etat de droit», se félicite le constitutionnaliste.

En écho, Serge Brammertz, procureur du Mécanisme international chargé d’exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux au niveau de l’Onu, enchaîne : «La complémentarité doit jouer un rôle important dans tous les continents, certainement aussi en Afrique. Et c’est un peu l’endroit logique quand on parle de formation des magistrats pour des pays francophones. La majorité de nos formations ont été données à Dakar. Parce que le Sénégal a toujours joué un rôle très particulier quand il s’agit de Justice internationale. On a déjà parlé des chambres africaines extraordinaires.

Ce sont des magistrats africains expérimentés qui participent aux formations.» Même s’il reconnaît qu’il y a d’excellents juristes très expérimentés, il se pose souvent un sérieux problème de moyens. «La Justice n’est pas nécessairement le secteur le mieux financé et je le dis avec tout le respect dû gouvernements respectifs. Je suis convaincu qu’une démocratie sans un système judiciaire fort ne peut pas fonctionner. Il faut que les enquêteurs aient les moyens. Il faut que les magistrats aient les moyens. C’est vraiment une clé de succès pour toute démocratie et l’Afrique ne fait pas exception», a-t-il également ajouté.

En rappel, Serge Brammertz souligne que plus de 250 personnes ont été poursuivies par des juridictions mises en place par les Nations unies comme les tribunaux de Rwanda et de l’ex-Yougoslavie. «C’est beaucoup par rapport aux autres juridictions internationales, mais c’est très peu si on regarde le nombre de procès qu’il y a encore à faire. Le procureur du Rwanda a encore plus de 1300 mandats d’arrêt par rapport à des génocidaires potentiels. Des personnes qui sont des fugitives sur le continent africain, sur le continent européen et ailleurs.

J’ai été en ex-Yougoslavie il y a trois semaines et, il y a encore 3000 enquêtes en cours», dit le fonctionnaire onusien. Pour lui, il reste tant d’efforts à faire : «La Justice internationale seule ne peut résoudre une crise ou donner une justice suffisante par rapport aux crimes commis. Il faut toujours un élément national et de là, la Justice internationale des pays directement concernés par le conflit, mais aussi d’autres pays qui, dans le cadre de compétence universelle ou de compétence extraordinaire, peuvent contribuer à donner une meilleure chance à la Justice.»

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