L’État du Sénégal s’est engagé, avec l’aide de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), dans la valorisation de ses potentialités ostréicoles en misant sur la sécurité sanitaire des huîtres, dans le cadre du Fonds pour l’application des normes et le développement du commerce (STDF).
Le renforcement de la filière coquillage au Sénégal à travers la mise aux normes sanitaires et phytosanitaires vise à ‘’promouvoir la sécurité sanitaire des coquillages et leur accès aux marchés régional et international’’.
L’initiative permettra de booster la consommation d’huîtres fraîches et d’augmenter les revenus des producteurs.
Au Sénégal, la production d’huîtres tourne autour de 16.000 tonnes par an, la superficie des mangroves, ces espaces naturels de reproduction des huîtres, étant estimée à 300.000 hectares.
Le Sénégal exporte vers l’UE 200.000 tonnes de produits halieutiques par an
En avril 2023, lors de la célébration de la Journée nationale de l’huître, le directeur des industries de transformation de la pêche, Abdoulaye Diouf, signalait que le Sénégal était à la recherche d’un agrément lui permettant d’exporter ses produits ostréicoles vers les pays de l’Union européenne (UE).
‘’Le Sénégal travaille […] dans ce sens avec l’aide de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, ainsi que d’autres partenaires.
On ose espérer que d’ici à 2025 le Sénégal aura un dossier conforme aux exigences du marché de l’UE’’, avait dit M. Diouf à plusieurs médias dont l’APS, en marge de la célébration de la Journée nationale de l’huître.
Dr Mamadou Ndiaye, le coordonnateur sous-régional du projet STDF à la FAO
‘’L’huître est un produit halieutique très recherché en Europe, d’où la nécessité de réfléchir aux possibilités pour le Sénégal de répondre aux exigences et normes qualité du marché européen’’, a-t-il ajouté, estimant que les exportations vers l’Europe vont générer une plus-value pour le Sénégal.
Selon le directeur des industries de transformation de la pêche, les huîtres ne font pas encore partie des produits halieutiques (les crustacés, les poissons, etc.) exportés par le Sénégal vers l’Europe.
‘’Le Sénégal exporte vers l’UE annuellement un volume de 200.000 tonnes de produits halieutiques, pour un chiffre d’affaires d’environ 200 milliards de francs CFA’’, avait-il dit.
Le projet qui vise à promouvoir la sécurité sanitaire des coquillages et leur accès aux marchés régional et international, est mis en œuvre par la FAO et le gouvernement du Sénégal, avec l’appui du STDF, un fonds de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Son objectif est d’améliorer l’exploitation des coquillages, les rendre plus salubres et sains, comestibles sans danger, favoriser leur exportation vers des marchés rentables en les mettant aux normes sanitaires et phytosanitaires.
Les coquillages peuvent être ‘’très dangereux pour les consommateurs’’
Le budget estimatif total du projet s’élève à 854.518 dollars américains (environ 539 millions de francs CFA), dont 756.408 (environ 477 millions de francs CFA) financés par le projet STDF.
Depuis janvier 2024, des prélèvements mensuels sont effectués sur 50 sites de production répartis dans les régions de Saint-Louis, Louga (nord), Thiès (ouest), Fatick, Kaolack (centre), Kolda, Sédhiou et Ziguinchor (sud), pour des analyses permettant d’améliorer l’exploitation des coquillages et leur exportation vers des marchés avantageux.
‘’En 1996, le système d’inspection et de certification des produits halieutiques du Sénégal était réputé conforme aux exigences internationales, celles de l’UE notamment. Cette situation offrait une ouverture au marché international à tous les produits de la pêche, les céphalopodes, les poissons et les crustacés notamment’’, a rappelé Dr Mamadou Ndiaye, le coordonnateur sous-régional du projet à la FAO.
Cependant, ‘’ces produits aquacoles en général et les coquillages n’en faisaient pas partie’’, a-t-il précisé dans un entretien avec des journalistes, lors d’une mission d’investigation et de collecte d’informations sur les sites conchylicoles (les sites sur lesquels est pratiqué l’élevage des coquillages) et de vulgarisation des activités du projet dans les régions de Sédhiou et Ziguinchor.
Un tableau de classification des zones aquacoles disponible dès janvier 2025
‘’Ces produits, a relevé Dr Ndiaye, ont la particularité biologique de filtrer l’eau dans laquelle ils vivent pour se nourrir. En raison de cette situation, quand le plan d’eau est contaminé, les coquillages sont contaminés et deviennent très dangereux pour les consommateurs, surtout s’ils les consomment crus.’’ D’où la nécessité de procéder à la surveillance sanitaire des plans d’eau pour garantir la salubrité des coquillages.
‘’C’est ainsi que le Sénégal a sollicité le STDF en vue du financement de la mise en œuvre du plan de surveillance’’, a expliqué Dr Ndiaye.
Cette surveillance est assurée par la FAO, l’Agence nationale de l’aquaculture et la direction des industries de transformation des pêches, qui est chargée de l’inspection et de la certification des produits de pêche destinés à l’exportation.
‘’Il y a eu des sessions de formation des agents, pour s’assurer que les prélèvements se fassent dans de bonnes conditions.
Les prélèvements sont ensuite étudiés par le Laboratoire national d’analyses et de contrôle du ministère de l’Industrie et du Commerce, selon la norme 17025’’, a expliqué Dr Mamadou Ndiaye.
La surveillance des plans d’eau a démarré en janvier 2024, et les équipes de la FAO devraient, d’ici à janvier 2025, disposer de l’ensemble des résultats permettant de classer les zones aquacoles.
Le soutien de la FAO permet au Sénégal de s’assurer de la bonne qualité de ses produits avant de les mettre sur le marché, selon Dr Ndiaye.
À la formation s’ajoutent le respect des bonnes pratiques, l’Initiative pêche côtière, le FISH4ACP, dont le but est de valoriser les potentialités de la pêche et de l’aquaculture, selon le coordonnateur sous-régional du projet à la FAO.
L’élevage des huîtres, un bassin d’emplois
Au Sénégal, la filière coquillage est également prise en compte. Ses potentialités sont énormes, selon Dr Mamadou Ndiaye.
‘’La cueillette, à elle seule, va satisfaire les besoins du marché […]
Si nous arrivons à satisfaire les exigences de qualité, nous pourrons satisfaire les demandes des hôtels et des restaurants qui, aujourd’hui, importent ces denrées parce qu’ils sont regardants sur la qualité’’, a-t-il souligné.
‘’Beaucoup de femmes travaillent dans cette filière.
Les marchés vont profiter aux femmes et aux jeunes, lorsqu’ils seront ouverts. On a noté un engagement important des acteurs. Le projet FISH4ACP a permis l’organisation des acteurs.
Ce sera certainement un cadre de coopération et de relation qui permettra à l’État et aux partenaires, dont la FAO, d’accompagner facilement les acteurs. Il y a eu un engagement fort de l’État, qui a été à l’origine de ce soutien de la FAO et du STDF de l’OMC’’, a signalé Dr Mamadou Ndiaye.
Il rappelle qu’il y a eu beaucoup d’initiatives visant à soutenir les ostréiculteurs, notamment dans le centre du pays, pour améliorer les conditions et les techniques de production.
‘’Mais, jusqu’à présent […], les hôtels comme les grands restaurants rechignaient à acquérir la production artisanale, car ils n’ont pas la garantie de la qualité sanitaire des produits. Donc, le projet STDF prend une problématique extrêmement importante : la capacité de l’État à certifier la qualité sanitaire des coquillages. Nous sommes en train de travailler là-dessus.
C’est un levier extrêmement important de valorisation de la filière’’, a expliqué le coordonnateur sous-régional du projet.
‘’Lorsqu’on arrivera à certifier la qualité sanitaire des produits, tout le marché local, les hôtels et les restaurants avec, sera satisfait. Même les produits transformés auront une meilleure garantie de la qualité sanitaire des huîtres, par ce qu’ils seront certifiés par l’autorité. On peut s’ouvrir au marché international.
Aujourd’hui, il y a beaucoup de perspectives européennes, asiatiques ou encore américaines.’’
Les femmes travaillent surtout dans la transformation artisanale. Un travail pénible, qui rapporte peu. L’État et ses partenaires se sont lancés dans un processus de valorisation des potentialités ostréicoles en misant sur la sécurité sanitaire des huîtres, selon Dr Mamadou Ndiaye.
Transformation artisanale : les femmes en première ligne
‘’Nous avons été dans les zones de production. On a vu la pénibilité des activités de transformation. En termes de rendement, il faut 70 kilos d’huîtres fraîches transformées pour avoir un kilo de produits séchés. Et le prix du kilo atteint difficilement 5.000 francs CFA.
Or, si nous arrivons à garantir la qualité sanitaire du produit, on peut le vendre à l’état cru.
De ce fait, on peut valablement vendre une douzaine à 5.000 francs CFA. Et on passe de 1 x 5.000 à 70 x 5.000 francs CFA. La marge en termes de développement et d’amélioration des revenus est extrêmement importante’’, a analysé Dr Ndiaye.
‘’Travailler sur la certification des produits, c’est travailler à multiplier par 70 les revenus des acteurs de la filière, dont 80 % sont des femmes. On voit bien les répercussions sociales que cela va entraîner’’, a-t-il ajouté.
aps