Ndèye Aïda Fall, lauréate du prix Cea-Agrisan lors de la Semaine de l’innovation et de l’entrepreneuriat de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), incarne une figure innovante dans l’agriculture sénégalaise. Étudiante en Master Biologie végétale à l’UCAD, entrepreneuse passionnée et fondatrice de Sunufraiz, elle a su transformer une simple frustration en une véritable opportunité entrepreneuriale grâce à la culture de la fraise.

Dans un pays où la fraise demeure une culture marginale, Ndèye Aïda Fall se distingue en révolutionnant l’agriculture sénégalaise. Fondatrice de Sunufraiz, elle a converti une situation déconcertante en un projet florissant. « J’ai toujours été fascinée par les végétaux, d’où mon choix d’études en biologie végétale », raconte-t-elle, fière de sa réussite.

Un parcours hors du commun

La rencontre de Ndèye Aïda Fall avec la fraise ne relève pas du hasard. Pâtissière amatrice depuis 2019, elle ajoutait ce fruit rouge à ses brownies et pancakes. Mais un jour, alors qu’elle se retrouve en rupture de stock de fraises pour ses produits, elle s’aperçoit qu’il est impossible d’en trouver sur le marché local. « Les clients ont vite remarqué l’absence des fraises.

J’ai cherché partout, mais elles étaient introuvables », explique-t-elle.

Cette pénurie de fraises dans un pays où la culture de ce fruit reste encore marginale la pousse à se poser une question importante : pourquoi la fraise est-elle si rare au Sénégal ?

Son enquête l’amène à une découverte surprenante : non seulement le Sénégal a un potentiel de production de fraises, mais son climat est particulièrement adapté à cette culture. Lors d’une étude de marché, elle se rend compte que quatre Sénégalais sur dix ignorent que le pays produit des fraises, et parmi ceux qui le savent, 70 % n’y ont pas accès.

La genèse de Sunufraiz : une entreprise agricole innovante

Avec ses compétences en biologie végétale, elle se forme sur les techniques de culture de la fraise et décide de franchir le pas. Soutenue par la Direction de l’incubation de la vulgarisation et de l’appui aux communautés (Divac) de l’Ucad, elle crée Sunufraiz, une unité de production et de distribution de fraises locales.

« Produire des fraises localement est un choix réfléchi.

Contrairement aux fruits comme la mangue ou la banane, la fraise doit être cueillie à maturité pour en conserver toute la saveur. Les fraises importées ne peuvent pas rivaliser avec celles cultivées localement », explique-t-elle avec conviction.

L’audace qui paye : du défi à la réussite

Originaire de Dakar, Ndèye Aïda Fall ne disposait pas de terres agricoles, un obstacle qu’elle refuse de laisser freiner son ambition. « Je n’ai pas attendu une grosse opportunité ni cherché à accumuler de l’argent pour démarrer. J’ai pris les devants en proposant à des producteurs de cultiver mes fraises sur leurs terres en échange d’une commission sur les ventes », raconte-t-elle.

En 2024, elle publie une demande de partenariat technique et financier sur LinkedIn, et après plusieurs semaines d’attente, elle reçoit une réponse décisive : un investisseur sénégalais, propriétaire de plusieurs hectares à Bambilor, est prêt à collaborer. « Même si nous n’avons pas encore nos propres terres, notre activité se développe bien et nous vendons désormais nos fraises sous notre propre marque », se félicite la jeune entrepreneuse.

Les défis de la logistique et la réponse innovante

Malgré cette réussite, le chemin de Sunufraiz est semé d’embûches. Le transport des fraises, un fruit périssable et fragile, reste un défi. « Parfois, nous devons nous organiser avec des chauffeurs pour assurer le transport, ce qui complique la distribution. Nous avons donc mis en place un calendrier de vente de deux jours par semaine pour mieux gérer la demande et la logistique », explique-t-elle.

En outre, Sunufraiz ne se contente pas de produire des fraises : l’entreprise mise sur une approche écologique. « La qualité de nos fraises dépend de la sélection rigoureuse de notre substrat, des techniques d’arrosage adaptées et de la culture sous serre pour mieux gérer les conditions climatiques », précise-t-elle.

Face à la problématique de conservation des fraises, elle innove également en diversifiant les produits.

« Nous transformons nos fraises en jus, coulis, confitures, ou les séchons et congelons pour prolonger leur durée de vie », ajoute-t-elle. Le système de précommande adopté par Sunufraiz permet une gestion optimale des récoltes, évitant ainsi les surplus.

Une vision à long terme : structurer l’agriculture sénégalaise

Ndèye Aïda Fall ne compte pas s’arrêter là. Son ambition est de faire de Sunufraiz une référence en agro-industrie en Afrique de l’Ouest. « Le Sénégal est privilégié par ses terres arables, ses ressources en eau et son ensoleillement. Nous devons exploiter ce potentiel pour assurer notre sécurité alimentaire », souligne-t-elle.

À court terme, elle envisage d’élargir la production pour alimenter l’industrie de transformation et d’étudier les opportunités dans le secteur des jus de fruits naturels. À long terme, elle souhaite créer un écosystème d’accompagnement pour les jeunes entrepreneurs agricoles, en mettant l’accent sur la rentabilité et la durabilité.

Sunufraiz : une entreprise sociale et inspirante

Au-delà de son modèle économique, Sunufraiz est également une entreprise à impact social. « Nous avons déjà créé sept emplois directs et quinze emplois saisonniers pour les périodes de repiquage, d’entretien et de récolte. Nous formons aussi des porteurs de projets agricoles pour les aider à réussir », explique Ndèye Aïda.

Son objectif est de changer l’image de l’agriculture, notamment auprès des jeunes et des femmes.

« L’agriculture n’est pas un domaine réservé à une élite. C’est un secteur plein d’opportunités pour ceux qui osent innover et s’adapter », déclare-t-elle avec conviction.

Un message fort pour les futurs entrepreneurs

Le message de Ndèye Aïda aux futurs entrepreneurs agricoles est clair : « osez et persévérez ». Pour elle, la clé du succès réside dans la formation, l’expérimentation continue et la création d’un réseau solide avec des mentors. L’agriculture, dit-elle, demande des essais, des erreurs et beaucoup de détermination.

Lorsqu’on lui demande ce qui la motive, elle répond sans hésitation : « je veux prouver qu’il est possible de concilier études et entrepreneuriat. Mon père est mon modèle. Je veux prendre soin de mes frères et leur offrir un avenir meilleur », conclut-elle.

Avec Sunufraiz, Ndèye Aïda Fall ne se contente pas de cultiver des fraises.

Elle cultive l’espoir d’une agriculture sénégalaise moderne, compétitive et durable, et inspire toute une génération à bâtir un avenir meilleur sur les terres fertiles du Sénégal.

VivAfrik

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