Pas de quoi pavoiser ! la suite de la mission du FMI au Sénégal confirme ce sentiment, tant il est vrai qu’il n’a jamais été question de soutenir que tous les clignotants sont au vert dans la gestion économique du pays.

Mais lorsque le FMI, lui- même, porte les bonnes lunettes et décrit une situation économique sénégalaise « globalement sur la bonne voie », cela correspond un peu plus à la réalité. Par conséquent on est quand même très loin du « Soulages » * que certains s’évertuent à vouloir nous peindre.

Lorsque le Fonds, dans sa description, ajoute « pour l’instant », cela signifie simplement qu’il va falloir faire mieux !

C’est bien cela qu’on attend du nouveau pouvoir, au lieu d’un populisme qui pousse à vouloir faire tabula rasa. Cela est intellectuellement inacceptable !

Déjà en décembre dernier, le Fonds avait annoncé la couleur en estimant que « le pays est mieux placé que d’autres pour faire face aux inquiétudes, grâce à ses sources de financement diversifiées ».

Il soulignait ainsi que le Sénégal « bénéficie de financements à des conditions concessionnelles et qu’il a réduit son émission de prêts syndiqués. Cela signifie que le pays est moins dépendant de la dette privée volatile ».

Cela avait le mérite d’être clair.

Aussi, lorsque les tenants du pouvoir actuels tentent de jeter aux gémonies le régime sortant en dépeignant une « situation déplorable » , le Fonds monétaire, lui, salue une économie sénégalaise « résiliente », en dépit d’un contexte difficile marqué par les tensions politiques relatives à l’élection présidentielle et les chocs extérieurs.

Les esprits chagrins diront sans doute que c’est de la complaisance, même s’il faut relativiser avec la dimension sociale qui reste un souci majeur.

Par ailleurs on entend souvent dire que le Fmi et la Banque mondiale n’ont jamais développé un pays. Que l’on sache, ces institutions n’ont jamais prétendu avoir cette responsabilité qui n’est d’ailleurs pas la leur.

Tout au moins dans leurs rôles, il est plutôt question d’accompagner et soutenir les réformes visant à assurer une transformation économique profonde.

A charge pour nous autres, de concevoir des programmes solides (et non pas un « Projet ») qui tiennent la route ; et c’est là où se trouve souvent le problème. Jusqu’à preuve du contraire c’est le cas du Plan Sénégal Emergent, avec il est vrai, ses manquements et ses imperfections.

Certes les institutions de Bretton woods ne sont pas des philanthropes. Qu’à cela ne tienne.

Plutôt qu’à moitié vide, prenons le verre à moitié plein d’abord pour constater avec le Fonds que, si l’activité économique est ressortie plus faible que celle prévue pour le premier trimestre de cette année, c’est bien du fait des ‘’incertitudes politiques’’ liées à l’élection présidentielle, comme du reste c’est le cas à chaque période électorale.

C’est connu, l’économie a horreur de l’incertitude (visez le yoyo traditionnel des matières premières sur le marché mondial, en particulier les hydrocarbures).

A ce stade il convient de s’arrêter un peu et mettre en corrélation les poussées inflationnistes avec la structure extravertie de notre économie. Il urge de travailler à atteindre la souveraineté alimentaire, afin de juguler l’inflation importée qui nous pend au nez.

Aussi et surtout, corriger la faible intégration de l’industrie sénégalaise, qui est à l’origine de la forte tendance à l’importation des biens intermédiaires.

D’ici-là, notre économie tourne à coups de subventions à la consommation qui, il faut bien le reconnaitre, pèsent extrêmement lourd sur le Budget.

D’ailleurs, comme le soulignent les fonctionnaires du Fonds, l’exécution du budget a été « marquée par une moins-value des recettes et un dépassement du coût des subventions à l’énergie par rapport à l’enveloppe budgétaire initiale ».

Urgences et prospectives

Dans l’urgence, le seul moyen pour éviter que les populations ne descendent dans la rue est la subvention. Certes le FMI a toujours poussé les gouvernements d’Afrique subsaharienne y compris le Sénégal, à ne pas recourir à des subventions, même lorsque les prix de l’énergie sont tirés vers le haut.

La réalité c’est que malgré ces subventions, le climat interne avait des allures de cocotte-minute.

On ose à peine imaginer, dans le contexte de surchauffe, ce qui se serait passé en cas de zéro subvention…

Par ailleurs, dans une note publiée en février dernier, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) atteste que les pays plus riches et les mieux structurés n’ont eu d’autres solutions que d’accroître les subventions à la consommation d’énergies fossiles, pour ne prendre que cet exemple, en contradiction avec l’orthodoxie et l’efficacité budgétaire.

Avec un engagement de 349 milliards $, les gouvernements de l’Union Européenne ont battu le record de subventions à la consommation des énergies fossiles, sur la période analysée.

Le propos n’est pas d’encourager les subventions, mais bien de mettre le doigt sur ce « deux poids, deux mesures » sur cet aspect.

Toutefois, les subventions faussent les prix et, en rendant le bien subventionné relativement bon marché, elles incitent à le sur-consommer. Alors qu’elles passent pour avoir un effet égalisateur, les subventions profitent surtout aux riches qui, en valeur absolue, dépensent davantage pour la plupart des biens.

Tenues de devoir faire encore avec les subventions, les nouvelles autorités sénégalaises promettent de procéder désormais à un meilleur ciblage de ces subventions. Soit !

Seulement, ce n’est pas aussi facile en réalité.

Dans les pays industrialisés, le principal outil utilisé par l’État pour effectuer des transferts de ressources est le système socio-fiscal, notamment via la combinaison d’une taxation progressive et des prestations universelles.

Dans des contextes de pays à revenu faible comme le Sénégal, de tels transferts sont plus difficiles à mettre en œuvre, du fait de moindres capacités de l’État en matière fiscale, et surtout à cause de la forte proportion des ménages tirant ses revenus de l’activité informelle (Lautier, 2004).

L’un dans l’autre, il est question, selon les fonctionnaires du Fonds, de « prendre des mesures ambitieuses pour rationaliser les dépenses fiscales et améliorer l’efficacité des dépenses’’.

Malgré toutes ces difficultés inhérentes à la conjoncture internationale et un contexte de tensions politiques autour de l’élection présidentielle, le Fonds constate une croissance économique qui « a dépassé les attentes (4,6 %) en reflétant une bonne campagne agricole et un secteur tertiaire solide ».

C’est quand même très important !

Au demeurant, les fondamentaux de l’économie sont bien tenus. L’inflation a connu une baisse plus rapide que prévu, retombant à 5,9 % après avoir culminé à plus de 9% consécutivement aux effets de la Covid et de la crise ukrainienne.

Les dépenses élevées de subventions à l’énergie (620 milliards de francs CFA, soit 3,3 % du PIB) et d’intérêts sur la dette ont été compensées par des réductions des dépenses d’investissements, afin de contenir le déficit budgétaire à 4,9 % du PIB, conformément à l’objectif du programme.

Last but not least, les thuriféraires ont finalement convenu de poursuivre le programme actuel, soutenu par le Fonds qu’ils vouaient aux gémonies, il y a peu, avec la volonté de jeter le bébé… avec l’eau du bain.
Malick NDAW

* Artiste peintre, Grand Maitre français qui, à sa façon, a contribué à populariser le monochrome de couleur noir.

Actu-Economie

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