Lors de l’inauguration de l’état-major du Haut-Commandement de la Gendarmerie nationale et de la Direction de la justice militaire à la caserne Samba Diéry Diallo de Dakar, le Président du Sénégal, Macky Sall, en présence des membres du gouvernement et des corps de l’Armée, a une nouvelle fois fustigé les réseaux sociaux, en les qualifiant de “nouvelles formes de perturbation de l’ordre public et de déstabilisation nationale.”
Cette déclaration est faite quelques jours après l’arrestation de citoyens, pour “diffusion illégale de documents” via leur espace virtuel, ce qui est une atteinte à leur liberté d’expression et à leur droit à l’information.
Dès son accession au pouvoir en 2012, le premier acte fort que Macky Sall a posé à l’encontre des acteurs du cyberespace, était d’expulser du Sénégal, le célèbre blogueur et militant pro-démocratie tchadien, Makaila Nguebla, en mai 2013.
Dans plusieurs de ses sorties, le chef de l’Etat Sénégalais a lancé des piques à l’endroit des utilisateurs des réseaux sociaux. “D’oisifs errants” où tout simplement de qualifier le cyber-espace d’une “zone de non-droit”, le président de la République ne s’est jamais privé de tancer les réseaux sociaux.
Mais à la difference de ses autres sorties, il a cette fois-ci comparé les “dérives” d’usage dans ces platefomes numériques, aux menaces que représentent le terrorisme, le trafic de drogue, la piraterie maritime, les réseaux d’émigration clandestine…
D’après « Africtivistes », le président de la République n’en est pas à son coup d’essai. En mai 2021, lors de l’inauguration d’un hôpital régional, il avait proféré des menaces à peine voilées à l’endroit des jeunes qui affichent un engagement citoyen, pour le meilleur et souvent pour le pire, à travers les réseaux sociaux.
Le 3 février 2021, au-delà des proclamations, le chef de l’Etat avait instruit son gouvernement de mettre en place un «dispositif de régulation et d’encadrement spécifique aux réseaux sociaux».
A l’époque, « AfricTivistes », à l’instar d’autres organisations, avait déjà averti de la “dangerosité d’un tel dispositif pour la démocratie et la liberté d’expression”, car il s’inscrirait en dehors de l’appareil judiciaire.
D’autant plus que cette volonté étatique de réguler les réseaux sociaux et d’encadrer internet,, a commencé en 2018 avec le vote du Code des communications électroniques par l’Assemblée nationale.
L’article 27 de cette loi avait suscité la polémique, car il laissait planer la menace d’une éventuelle censure sur les plateformes comme Facebook, Twitter (X)… Il faut cependant rappeler que toutes les infractions commises en ligne, sont déjà prises en compte par les législations en cours, dont certaines dispositions légales comme la loi sur la cybersécurité votée en 2008.
Ces attaques répétées contre des voix citoyennes qui s’expriment à travers les réseaux sociaux, ont été suivies d’actes en début Juin et en fin Juillet de cette année, lors de manifestations violemment réprimées. « AfricTivistes » à travers des communiqués, avait condamné fermement ces censures du cyberespace.
Récemment, plusieurs voix dissidentes, notamment des activistes pro-démocratie et leaders d’opinion, ont soit été censurées ou envoyées en prison.
Pour rappel, en août 2022, feu Pape Ibra Guèye plus connu sous le surnom de Papito Kara, a été arrêté et placé sous mandat de dépôt pour diffusion de fausses nouvelles, effacement et modification des données de journaux. Son arrestation fait suite au détournement satirique de la UNE du journal “L’Observateur ».
Le 7 décembre 2022, Fadillou Kéita, membre du Pastef, le parti dissous de l’opposant Ousmane Sonko, a également été arrêté sur ordre du procureur, après un post sur Facebook pour diffusion de fausses nouvelles.
Quelques mois plus tard, c’était au tour du rappeur Mor Talla Guèye alias Nit Doff, d’être arrêté, pour diffusion de fausses nouvelles, outrage à magistrat et menaces de mort contre les autorités judiciaires.
Il a bénéficié d’une liberté provisoire le 16 octobre dernier, après huit mois de prison. Ndeye Fatou Fall, communément appelée Falla Fleur, activiste web, a été arrêtée le 30 mai 2023 sur son lieu de travail, par des membres de la Division des Investigations Criminelles (DIC), avant d’être placée sous mandat de dépôt.
En détention depuis le 7 juin de cette année, pour actes et manœuvres de nature à compromettre la sécurité publique à travers des publications sur des réseaux sociaux, elle a été libérée le 6 novembre dernier. Cette liste non exhaustive est représentative de la censure qui règne sur le cyberespace senegalais.
La Constitution sénégalaise garantit en son Article 8, à tous les citoyens, des libertés individuelles fondamentales, parmi lesquelles, la liberté d’opinion et la liberté d’expression.
Elle le réaffirme dans son Article 10, en indiquant que chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement ses opinions par la parole, la plume, l’image, la marche pacifique, pourvu que l’exercice de ces droits ne porte atteinte ni à l’honneur et à la considération d’autrui ni à l’ordre public.
Des principes garantis et protégés par l’Article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’Article 9 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples.
« AfricTivistes » condamne fermement toutes les formes de censure illégales sur internet, en particulier celles qui ont un impact disproportionné sur la liberté d’expression, la liberté d’information et la liberté de réunion.
Nous déplorons également le fait qu’il n’existe pas de mesures incitatives au niveau national ou régional, qui poussent les autorités à respecter les droits.
Nous encourageons le gouvernement du Sénégal, à respecter les droits et libertés fondamentaux. Ainsi que d’honorer ses engagements régionaux et internationaux, pour garantir les droits des citoyens pour un processus électoral pacifique transparent et inclusif en février 2024, conclut-on.
leral
5 commentaires
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