A la faveur de la stratégie « Gas to power » sur fond de contenu local, des promoteurs sénégalais ont saisi l’opportunité pour lancer des projets d’envergure tendant à transformer l’essai.

Ainsi, la société West African Energy (WAE) est en train de finaliser la construction d’une centrale à gaz d’une puissance nominale de 300 MW, sise au Cap des biches, à Rufisque.

Lancée en novembre 2020, la plus grande centrale électrique à gaz est en fait une CCG (Centrale thermique à cycle combiné Gaz) qui fonctionne sur le même principe que les centrales à gaz à cycle simple, sauf que, techniquement, la CCG récupère la chaleur des gaz brûlés pour créer de la vapeur.  Cette dernière alimente à son tour un second ensemble turbine/alternateur, générant ainsi une production électrique additionnelle.

En gros, avec le même volume de combustible, les deux turbines d’une centrale CCG permettent de produire plus d’électricité, avec un rendement énergétique à 65%, donc nettement supérieur à celui d’une centrale thermique classique qui s’élève à 38%.

Pour la construction de cette centrale, c’est le groupe turc Calik Enerji qui a été choisi tandis que la compagnie GE (General electric), leader mondial en matières de technologies, de services et de solutions de production d’énergie au gaz naturel, en est le fournisseur.

A la tête de WAE, l’ancien ministre sénégalais de l’Energie, M. Samuel Sarr.

Avec un capital social de 4 milliards de FCfa, WAE est détenue par des privés nationaux comme Locafrique Holding SA , Afrinvest SA, le groupe CITAF, CCMN (Comptoir commercial Mandiaye Ndiaye, Sahel Investments Sénégal SAU, Senelec (15%).

Le financement de la centrale a nécessité les concours de l’Africa Finance Corporation (AFC) (85 milliards de FCfa) ; de la Banque Africaine d’Import-Export (Afreximbank) (50 milliards de FCfa) et Coris Bank (14 milliards de FCfa) . Quant aux actionnaires, ils ont mobilisé quelque 27 milliards de FCfa pour boucler le financement global de 230 milliards de FCfa.

Une fois opérationnelle, la centrale devrait générer 25% de l’électricité consommée au Sénégal, pour alimenter jusqu’à 500 000 foyers sénégalais.

La question qui reste en suspens est relative au tarif de cession.   WAE a annoncé un tarif «40 fois moins cher » soit 56,9 FCfa/kWH avec le nafta (dérivé du pétrole) puis 46 FCfa lorsque la centrale passera au gaz.

Cependant, sous le sceau de l’anonymat, un spécialiste sénégalais estime qu’au regard des conditions actuelles, «si le premier tarif est cohérent, le second est cher», dit-il, indiquant qu’un optimum tarifaire de 37 FCfa/kWH pourrait être atteint.
 
Ndar Energies

La région de St. Louis aura également sa centrale électrique à cycle combiné gaz pour une puissance nominale de 250 MW qui sera alimentée par GTA (Grand Tortue Aymeyim). C’est le projet «Ndar Energies» lancé par un autre promoteur sénégalais, l’homme d’affaires M. Baidy Agne, par ailleurs patron du Conseil national du patronat (CNP).

Outre la centrale, elle-même, le projet intègre la construction d’un gazoduc, pour un financement global de 430 millions $ ( 282 milliards de FCfa ).

Ces fonds sont mobilisés par Afreximbank, promoteur principal du projet et arrangeur principal mandaté pour piloter la fourniture de services préparatoires au projet et la syndication de la levée de fonds, et la compagnie d’électricité sénégalaise Ndar Energies.

L’Accord-cadre signé le 22 mars 2023 en marge du second sommet sur le financement des infrastructures en Afrique qui s’est tenu du 2 au 3 février 2023 à Dakar, est relatif à la conception, la construction, le développement et l’exploitation. 

Le projet, qui possède de solides références en matière de financement climatique, s’inscrit dans la stratégie d’Afreximbank visant à soutenir le déploiement de solutions de transition énergétique justes en Afrique.

Ainsi, ce sont plus de 500 MW qui vont être injectés dans le système de production d’électricité.
Il est également prévu la construction d’une centrale de 300 MW qui sera alimentée par Yakaar teranga à Mboro.
 
Du gaz à l’agriculture…
 
L’objectif du projet «Gas to Power » au Sénégal est de définir un cadre pour optimiser l’ensemble de la chaîne de valeur du gaz naturel. L’enjeu va cependant bien au-delà de la réforme du schéma de production d’électricité et les autorités sénégalaises ont bien l’intention d’en faire profiter toute l’économie sénégalaise.
Du moins, si l’on en croit les projets prévus dans la filière pétrochimique.
De ses multiples usages, on connaît le gaz naturel surtout dans son rôle domestique pour le chauffage et la cuisson. Mais le gaz naturel est utilisé comme matière première dans l’industrie chimique, notamment pour la pétrochimie et le raffinage. Le Sénégal, à travers Petrosen trading et services, a l’ambition d’user de la ressource gazière pour booster la dynamique de souveraineté alimentaire.

En août 2022, en marge de la Ticad 8, un protocole d’accord (Mou) a été signé entre Petrosen et Mitsubishi Corporation et Nippon Koei, qui sont chargés de réaliser une étude de préfaisabilité du projet de construction d’une unité de production d’ammoniac et d’urée à partir du gaz naturel du Sénégal.

A travers ce projet, l’Etat projette de substituer 100 % des importations d’urée au Sénégal, essentiellement en provenance d’Ukraine et du Nigeria.

Lurée, c’est l’engrais azoté le plus employé dans le monde. Outre l’urée, des engrais spéciaux – pour les cultures d’oignons, de tomates cerises, d’haricots…, sont importés d’Europe, de Turquie ou du Maroc.
Un problème qui touche également les engrais organiques, qui sont importés surtout d’Europe à 60 %. Ainsi le Sénégal veut saisir l’opportunité du gaz naturel pour son autonomie en matière d’engrais.

Pour ce faire, Petrosen envisage de créer une filiale qui va s’occuper de cette activité à travers ce projet de 1,4 million de dollars (  ). Aujourd’hui, l’étude de faisabilité qui a été faite par Mitsubishi est achevée et d’ici à 2027-2028, cette usine devrait être une réalité au Sénégal.
 
… à l’hydrogène

Et si demain les voitures et les avions ne fonctionnaient plus avec du pétrole mais avec de l’hydrogène ? Et que ces derniers n’émettaient non pas du CO2, mais de la vapeur d’eau ? C’est sur ce projet que travaillent de nombreux industriels, alors que la France et l’Allemagne ont lancé des plans d’investissements à plusieurs milliards pour développer cette technologie.

Le 22 septembre dernier, un atelier de lancement de l’étude de pré-faisabilité sur le potentiel de la production d’hydrogène au Sénégal s’est tenu dans les locaux de la KFW, à Dakar.

Il faut souligner qu’aujourd’hui, 95 % de l’hydrogène dans le monde est produit à partir d’hydrocarbures (pétrole, gaz naturel et charbon), qui est la solution la moins coûteuse. Cependant, ce processus est, émetteur de CO2, gaz à effet de serre, hormis pour ce qui concerne la pyrolyse (réaction chimique de décomposition d’un corps organique sous l’action de la chaleur et sans autres réactifs),

Pour produire de l’hydrogène faiblement carboné (polluant), trois options s’offrent donc aux industriels :
  • Soit capter le CO2 émis lors de la production par transformation des énergies fossiles,
  • puis le transporter pour le stocker géologiquement, pyrolyser du méthane (principal composant du gaz) et séparer le carbone sous forme solide,
  •  enfin, le produire via l’électrolyse de l’eau, l’électrolyse étant opérée à partir d’une électricité peu carbonée fournie par de l’énergie nucléaire, éolienne ou solaire.

L’enjeu reste toutefois pour cette dernière option, le coût de ce mode de production, plus onéreux à ce jour, que celui du reformage du gaz naturel , même en considérant le surcoût lié au captage du CO2

Vert, bleu, gris, jaune…

Les technologies de production de l’hydrogène à des fins écologiques sont assez multiples et « colorées » : vert, bleu, gris, etc. mais les deux principaux sont le vert et le bleu. La production de l’hydrogène vert requiert le système d’électrolyse qui est une technologie très innovante et très rentable à terme, mais coûteuse en investissements.

C’est ce que le Maroc est en train de développer avec des visées à l’export sur le marché européen.
En revanche, le développement de l’hydrogène bleu dont le gaz est la principale composante, est une piste sérieuse pour le Sénégal et même la Mauritanie qui ont beaucoup à y gagner. D’où l’atelier de lancement de l’étude de pré-faisabilité sur le potentiel de la production d’hydrogène au Sénégal, tenu le 22 septembre dernier, dans les locaux de la KFW, à Dakar.

La production de l’hydrogène bleu repose sur la technique CCUS (Carbon Capture, Usage and Storage) qui consiste en la capture du carbone, de son stockage et de son utilisation. Le coût de l’énergie ainsi produite pourrait atteindre deux fois moins cher que le prix du kw/h produit aujourd’hui dans les centrales classiques.

Dans ces conditions et considérant que le facteur « Energie » est l’un des plus prohibitifs parmi les autres facteurs de production, l’impact positif d’une telle réduction aura des conséquences bénéfiques majeures sur le développement de l’industrie, tous secteurs confondus.
On l’aura compris, l’hydrogène est un gaz dont les propriétés chimiques offrent un intérêt énergétique majeur.
Il est considéré comme un « vecteur énergétique » car il offre la possibilité, après avoir été produit, d’être stocké, transporté et utilisé. Seulement, son déploiement dépend encore en grande partie de la réduction de leurs coûts et de la construction d’infrastructures.
Lejecos Magazine
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