Situé dans l’aire marine protégée (AMP) de Kaaloola Blouf-Fogny, Siwaal (des pierres en diola) est un site sacré, témoin de l’histoire du village Thiobon, une localité de la commune de Karthiack, dans le département de Bignona (sud).

Pour rallier ce village ‘’traditionnellement reconnu dans le Blouf par son hospitalité, son savoir dans le développement’’, il faut passer par Tobor, Bignona et Tendiem.

En cours de route, un paysage luxuriant défile sous le regard subjugué des voyageurs, à l’image de ce groupe de journalistes et d’agents de l’AMP qui a pris place à bord d’un bus dans le cadre d’une caravane sur les aires marines protégées de la Casamance.

Ces contrées de la région disposent d’un véritable trésor constitué d’une riche flore comprenant des manguiers, des orangers, des citronniers, des palmiers, des anacardiers, entre autres espèces végétales.

Après trois heures de route, la caravane arrive à Thiobon. Le véhicule doit cependant emprunter une piste latéritique pour entrer à l’intérieur du village.

Composé essentiellement de Diolas autochtones, ce village d’agriculteurs et de pêcheurs fondé par une famille Mané vers les années 1800, se distingue par son site sacré, situé auprès du quai.

Sur place, des femmes trient des graines d’arachide. Après les salutations d’usage, elles invitent les visiteurs à en grignoter. ‘’Prenez, prenez !’’, lance avec force insistance l’une d’elles.

Dans ce village du département de Bignona, la transformation des produits locaux est l’activité principale des femmes.

Elles s’activent également dans la recherche d’huîtres, de crevettes, entre autres fruits de mer vivant dans les mangroves.

Vers la mi-journée, le village plonge dans le calme. Les enfants étant partis à l’école, les femmes, restées presque seules dans les foyers, s’occupent des affaires domestiques.

Seules quelques habitants sont visibles dans les rues ou sur la place publique qui fait office de marché.

‘’Thiobon est un village traditionnellement reconnu pour son hospitalité’’, soutient Ousmane Coly, notable et président de l’aire marine protégée de Kaaloola Blouf-Fogny, qui polarise neuf villages pour une superficie de plus de 83.000 mètres carrés.

Thiobon fut l’un des premiers villages à être islamisés dans le département de Bignona et le premier dans l’arrondissement de Tendouck, renseigne Ousmane Coly.

Selon lui, ‘’Thiobon est le premier village du Blouf à avoir aussi une mosquée construite dans les années cinquante par ses aïeux’’.

Ce village de près de 3. 000 habitants, a deux écoles primaires et un collège. Il est entouré au sud par Mlomp, à l’est par Karthiack, au nord par Kabiline et à l’ouest par le marigot de Diouloulou.

Thiobon provient d’‘’Ehimbane’’ (la tomate en diola)

Durant la période coloniale, des Français débarquèrent au quai de Thiobon où ils construisirent des habitats. Ils pratiquaient le maraîchage, plus précisément la culture de la tomate. C’est de là qu’est venu le nom de Thiobon, ‘’Ehimbane’’, c’est-à-dire la tomate, en diola, explique M. Coly.

‘’Les Diolas ne parlant pas français à l’époque, ont dit Thiobon au lieu de +c’est bon+. Puisque les Blancs étaient bien accueillis, ils disaient toujours +c’est bon+ pour manifester leur satisfaction’’, raconte le notable.

Siwaal érigé en AMP en 2020

Autour des aires marines protégées, les populations sont organisées suivant le processus de construction du territoire. Dans la plupart des cas, ces AMP comportent une dimension religieuse. C’est le cas du site de Siwaal. Le site est entouré de pierres, d’eau et diverses espèces d’arbres.

Situé dans l’aire marine protégée de Kaaloola Blouf-Fogny, il est considéré comme saint et spirituellement important.

Il a une grande importance culturelle pour la communauté locale qui y pratique ses rituels. Les familles ‘’Diédhiou’’ du village de Thiobon continuent de conduire les activités sacrificielles de ce site qui, selon elles, a été découvert par leurs aïeux.

‘’Ici, c’est un lieu sacré.

Nous y recevons pas mal de gens venant de partout au Sénégal. Nous recevons des autorités, des lutteurs et même des footballeurs professionnels et des élèves. C’est un lieu de prière’’, explique Bakary Walo Diédhiou, le conservateur des lieux. Il rappelle que le célèbre lutteur “Yékéni” y venait pour préparer ses combats.

Visiblement ravis de recevoir les visiteurs, le vieux Diédhiou prend son temps pour montrer comment formuler ses vœux afin qu’ils soient le plus rapidement exaucés par Dieu.

Le matériel des naufragés d’une pirogue à Erongol retrouvé à Siwaal

L’histoire de Thiobon, c’est aussi la confluence de bolongs à l’embouchure de Baïla, Diouloulou et Kafountine. Ce lieu est appelé Orongol (la rencontre des bolongs, en Diola). Erongol est l’endroit par lequel passaient les populations pour aller cultiver dans les îles.

Ils considéraient ce lieu de rencontre des bolongs comme mystérieux, à cause du mouvement de l’eau, rappelle Ousmane Coly.

D’ailleurs, ‘’vers les années cinquante, dit-il, une pirogue s’était renversée à Erongol (…)’’. Un accident autour duquel continuer de subsister le plus grand mystère, même si le matériel des naufragés, à savoir les Kadiandous (houes) et les chaussures ont été retrouvés à Siwal, près du quai de Thiobon, renseigne-t-il.

‘’Du coup, Siwal est devenu un site sacré parce qu’il est en corrélation avec Erongol.

Aujourd’hui, quand une pirogue se renverse de l’autre côté, à des centaines de mètres de Erongol, on retrouve les bagages sur le site de Siwaal’’, dit-il, ajoutant que des gens viennent de partout aujourd’hui pour implorer Dieu.

Ousmane Coly raconte qu’une lumière mystérieuse était visible la nuit sur ce site. Et les populations ignoraient son origine. ‘’C’est un lieu plein de mystère’’, soutient le notable.

”Chérif Mamina Aïdara a fait chasser les mauvais esprits d’Erongol”

‘’Depuis des années, nous avons eu à désamorcer la bombe. Comme c’était difficile de traverser, nous avons eu à demander l’aide des chérifs, en l’occurrence Chérif Mamina Aïdara qui a formulé des prières pour apaiser Erongol’’, rappelle-t-il.

‘’Un taureau noir a été [sacrifié] dans le fleuve. Et l’animal a disparu.

Et on se rend compte que, durant ces années, Erongol est devenu passif’’, ajoute-t-il. A l’en croire, quand une personne se rapprochait d’Erongol, elle se taisait, jusqu’à ce qu’elle dépasse le lieu de rencontre des bolongs, qui était jugé dangereux.

L’île de Kareungueul investi par des pêcheurs maliens et guinéens

‘’Nous allons poursuivre notre voyage à l’ile de Kareungheul érigé en AMP en 2020’’, lance aux visiteurs le conservateur de l’aire marine protégée de Kaaloolal Blouf Fogny, le capitaine Augustin Sadio.

A partir du quai de Thiobon, le groupe prend place dans deux pirogues, l’une en fer et l’autre en bois. Chacun met son gilet de protection. Et c’est le coup d’envoi de cette visite.

Tout au long du trajet, le regard se pose sur un bolong ceinturé par des rangées de mangroves.

‘’Cette île est un campement dénommé Keureungueul. Ici, on voit la présence de pêcheurs et de transformateurs. Ce sont des Maliens et des Guinéens. Ils pêchent le poisson et le transforment par fumage.

Cette activité ne rime pas avec la conservation’’ de l’AMP, déplore le capitaine Augustin Sadio.

Le capitaine Sadio indique que ces pêcheurs ont été installés par le village de Thiobon, soulignant qu’il est interdit de s’implanter dans la mangrove et d’utiliser ses bois pour faire du fumage.

‘’Nous avons sensibilisé ces pêcheurs pour leur faire savoir que l’activité qu’ils mènent est interdite. C’est une problématique que nous essayons de gérer’’, ajoute le conservateur de l’AMP du Kaaloolal Blouf-Fogny.

Dans l’avenir, il veut ériger sur l’île Kareungueul un campement et un mirador pour surveiller davantage cette zone qui est à quelques encablures du fleuve Casamance.

aps

Part.
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