Dans la cour du Damel du Cayor, Birima Ngoné Latyr Fall, l’allégresse règne. En ce soir du «Gew», les chants et les danses raisonnent pendant que Yoro, le berger, et Samba Cor, le Sérère, demandent l’arbitrage du Damel pour le conflit qui les oppose. Autour de son riche répertoire, Youssou Ndour, en collaboration avec Pape Oumar Ngom et avec une mise en scène de Madiaw Ndiaye, puise dans la culture sénégalaise pour proposer une fresque sociale.

La captation de ce spectacle, présenté à Paris en 2023, est à l’affiche du Pathé cinéma.

Il était une fois ! Ainsi commencent les contes.

Et dans le conte musical Birima, la formule serait : «Il était une fois au Cayor» ! Dans le rythme des tam-tams, Buur guewel, le maître des griots, donne le ton d’une soirée exceptionnelle. Selon la légende, une fois par an, le Damel Birima Ngoné Latyr Fall prenait la parole lors d’une assemblée extraordinaire, le Gew.

En 2023, entre le 20 et le 23 septembre, le conte musical Birima avait été à l’affiche au Théâtre du Chatelet à Paris.

A défaut de proposer le spectacle lui-même aux Sénégalais, Youssou Ndour propose une captation de ce spectacle. Mais qu’à cela ne tienne, le public, qui avait pris d’assaut la salle 1 du Pathé, a fortement apprécié le spectacle. «C’est un conte musical qui a été écrit il y a peut-être 5 ans.

Après, ça a pris 3 ans entre les répétitions, la préparation.

On a eu la chance de le présenter à Paris, mais depuis, on n’a pas eu l’occasion de le présenter ici. Trouver le temps et les moyens de le présenter ici à Dakar, ce n’est pas si simple, et on s’est dit pourquoi pas le film. Je suis très content, mais je ne suis pas très surpris aussi de l’accueil», réagit le chanteur au terme de la séance.

Le conte musical Birima, une idée originale de Youssou Ndour et Pape Oumar Ngom, mis en scène par Madiaw Ndiaye, se déroule en 1859 dans la cour du Damel du Cayor.

Ce soir-là, c’est la fête. Entouré de ses guerriers, de ses courtisans et de sa Linguère, Birima Ngone Latyr Fall, interprété par Mohamed Fall, écoute ses sujets et tranche les différends. La fête est fastueuse et le cérémonial est solennel.

La grandeur du Cayor est célébrée et la bravoure du roi est exaltée.

La cour de Birima est celle-là même dont on dit que l’allégresse y règne de tout temps. Surnommé Borom mbaboor mi (le porteur d’allégresse), Birima, qui a régné de 1855 à 1859, est connu pour ses vertus de bravoure, d’honneur, mais surtout de respect à la parole donnée.

Le conte met en scène cette nuit durant laquelle le Tribunal traditionnel se réunit.

Ce soir-là justement, un différend oppose Yoro, le berger (interprété par Hamadou Adama Diop), et Samba Cor, le Sérère agriculteur (interprété par Pape Moussa Sonko), le chef des ballets du Théâtre Sorano. Les animaux de l’un ont été capturés par l’autre pour avoir saccagé son champ.

Peul et Sérère ne sont pas loin d’en venir aux mains, prémices d’un conflit encore plus vaste.

Le Damel doit se prononcer et Birima, une fois n’est pas coutume, sort de son mutisme. «Sama kaddu demb, moy sama kaddu taay. Bou kenn yakaal kenn», (Ma parole d’hier est celle d’aujourd’hui. Que personne ne porte préjudice à personne !), formule appelant à l’allégresse, clôt le différend en exaltant la parenté à plaisanterie qui unit ces deux groupes.

D’une chanson à une autre, Youssou Ndour distille des perles de sagesse, des leçons de vie et des mantras.

Dans une interprétation généreuse, le spectacle égrène les chansons emblématiques du roi Youssou. La présence sur scène du jeune et talentueux, Obree Daman, donne une dimension nouvelle au spectacle.

De sa voix enchanteresse, l’artiste, à la puissante et douce voix, donne parfaitement la réplique à Youssou Ndour. Birame Dieng, Hamady Adama Diop et Penda Sarr, Pendo Guissé, ne sont pas en reste.

Et c’est sans doute l’alliance entre Youssou Ndour et ces jeunes artistes talentueux qui donne une sonorité nouvelle au spectacle.

S’il s’agissait d’un passage de flambeau, l’on peut dire que le passage de relais est réussi, la relève est déjà en place. Et la direction artistique de Madiaw Ndiaye vient insuffler un vent de fraîcheur, de dynamisme et de modernité à l’œuvre. Une œuvre qui mériterait amplement de circuler en Afrique et dans le monde. Qui de mieux placé que Youssou Ndour pour faire voyager un tel spectacle ?

Parenté à plaisanterie
Fil rouge de la narration, les différentes voix apportent chacune des éléments de compréhension. Dans une salle de spectacle européenne, la conteuse, Sylvie Mombo, distille des explications qui éclairent le spectateur étranger sur les enjeux de la pièce. Kaddu «la parole personnifiée» (Babacar Guèye), et sa coiffure de Kocc Barma, ramène, dans ses interventions, à cette sagesse dévolue au personnage.

Et quand Assane Thiam prend la parole, ses apostrophes ironiques plongent la salle dans le rire.

Autour de ces personnages, le spectacle est une suite de chansons puisées dans le répertoire du roi du Mbalakh. De Alakassira, ode à la beauté de son pays, à Baykat, Birima qui donne son nom au spectacle, Mole, ou Kontanna, les morceaux s’égrènent et viennent accompagner l’intrigue qui se joue d’un tableau a un autre.

Mais ce soir, Birima doit trancher un différend qui menace la stabilité du royaume, et tout le Cayor est à l’écoute.

Célébré pour ses valeurs, particulièrement le respect de la parole donnée, Birima veut absolument préserver son honneur, sacrifiant, dans la foulée, les plus faibles de ses sujets, soumis aux exactions de celui qu’il a choisi pour diriger la province de Mboul. «Moi, Birima Ngoné Latyr Fall !

Je fus Barguethie, je fus Dialaw, je fus Dialoré.

Aujourd’hui, je suis Damel, je suis Teigne.» Par respect pour une parole donnée durant ses jeunes années, Birima maintient Amary Mbery Tall à la tête de la province de Mboul, jusqu’au moment où la situation dégénère.

Enseignements et divertissement
Dans cette représentation de la vie de Birima Ngoné Latyr Fall, la musique et la danse sont les éléments principaux, et la mise en scène leur accorde une place de choix. Alors que les rythmes connus du Super Etoile, l’orchestre de Youssou Ndour, s’enchaînent, les prestations des danseurs captivent les spectateurs.

Ce groupe d’hommes et de femmes sont menés par Pape Moussa Sonko.

Fidèle à lui-même, le danseur n’épargne aucune figure. Parfois traditionnelles, parfois contemporaines, les danses donnent vie et corps aux différents tableaux. Les chansons s’imbriquent pour donner une fresque sociale du pays. Alors qu’il joue à une partie de wouré, Birima et son frère Madior (Moussa Ndiaye) s’affrontent également à coup de proverbes.

Ces scènes, ces costumes signés par la talentueuse Maguette Guèye et ces musiques, font revivre au public, un pan de la vie de ce royaume.

Entre enseignements, symbolismes et divertissement, le conte arrive à capter l’attention des publics de Paris et à travers l’écran, celui de de Dakar. Si le film en lui-même n’offre pas de parti pris artistique, l’excellente sonorisation du spectacle, sa beauté et la puissance artistique de la proposition, en font un pur moment d’enchantement que le public devrait s’empresser d’aller voir.

lequotidien

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