De la corruption des élites au désespoir de la jeunesse, illustré par le suicide bouleversant de l’étudiant Matar Diagne, c’est tout un modèle de société qui vacille. Derrière la façade d’un Sénégal moderne se cache une déliquescence à tous les étages

Suicides, détournements de deniers publics, calomnie dans les réseaux sociaux à la croisée des chemins, la société sénégalaise est manifestement sur une pente descendante.

Le récent rapport de la Cour des comptes révèle certes des anomalies et des fautes de gestion de l’élite politico-administrative qui a dirigé ce pays ces dernières années.

Mais, force est de dire qu’il ne nous apprend rien sur la dépravation des mœurs politiques et sur la propension de nos dirigeants à confondre les caisses de l’État et leurs portemonnaies. Le mal était déjà connu.

Le fléau n’émeut quasiment plus personne car ces cas sont légion dans l’espace public.

Toutefois, la question légitime qu’on doit se poser, c’est pourquoi une société de la trempe de celle du Sénégal, qui se pâme partout dans le monde de son substrat culturel, spirituel et social très solide, est arrivée à une telle situation de déliquescence morale ?

Car il faut le dire, ceux qui sont au banc des accusés par rapport aux fautes dans la gestion des finances publiques ne sortent pas ex nihilo.

Pour la plupart, ils sont les produits de notre système éducatif au sens large du terme, c’est-à-dire issus des cercles familiaux, des daara ou encore de l’école française. Cette dépravation laisserait-elle entrevoir l’échec de nos leviers de germination sociale ?

Ou tout simplement est-ce le manque d’exemplarité de certaines figures dirigeantes qui pollueraient l’atmosphère sociale ?

Allez savoir ! Mais ce qui est certain en revanche, c’est que cette «sécession» des élites qui vient se greffer sur un contexte économique peu reluisant pousse la jeunesse parfois à des extrêmes.

En effet, si le phénomène des immigrations clandestines qui cause beaucoup de pertes en vies humaines et des drames dans les familles est bien déplorable, ce qui attriste de nouveau, c’est le taux de suicide qui augmente au Sénégal. Le cas récent et qui a ému toute la nation sénégalaise est celui de l’étudiant de l’UGB Matar Diagne qui s’est donné la mort dans sa chambre, en laissant une lettre qui confirme davantage tout le mal-être qui sévit dans la société.

À cela s’ajoute le taux de criminalité qui grimpe dans certains quartiers du Sénégal.

Et l’illustration la plus parfaite est le meurtre dimanche du jeune Babacar Diagne après le combat de lutte Franc-Ama Baldé. C’est pourquoi d’ailleurs, dans une récente interview sur Sud FM, le penseur Felwine Sarr invite les nouvelles autorités à réinvestir dans l’humain.

« Le développement devrait être un espace où on construit les humains à tous les étages de l’être »

«Ce que dit la lettre du jeune étudiant de l’UGB, c’est un processus de détresse psychologique, de vulnérabilité qui l’amène vers un point de non-retour. Cela veut dire que dans l’idéal et les imaginaires qui sont les nôtres, ce qu’on appelle développement devrait être un espace où on construit les humains à tous les étages de l’être», soutient-il.

À l’en croire, le développement ne doit pas simplement être de la poursuite de biens matériels.

Et au développement même, d’après Felwine Sarr, il faut préférer le bien-être, le mieux-être. «Et le bien-être et le mieux-être sont centrés dans la dignité des individus, une dignité économique, sanitaire, de l’éducation, de la culture et des investissements qui construisent des individus libres et épanouis, qui font que la vie a du sens», renchérit l’auteur de Habiter le monde.

Et pour lui, il faut nécessairement un virage dans notre projection et dans la manière que les sénégalais se construisent pour le futur.

Continuant de plaider un Sénégal plus investi humainement, il ajoute : «Nous sommes installés dans une forme de téléologie rétroactive, on court, on a un mimétisme social. Et on oublie fondamentalement que le but qui est poursuivi, c’est bien sûr la prospérité mais c’est surtout la dignité des individus et des collectivités».

Cette proposition du professeur Felwine Sarr de réinvestir sur le capital humain pour redonner du sens à la dignité des sénégalais est peut être la solution. Mais elle ne sera pas de tout repos visiblement.

La société sénégalaise est en profonde mutation où l’argent précède à certains égards.

Le développement des réseaux sociaux ne facilite pas ce «recentrage» sur l’essentiel. En effet, l’exhibitionnisme est devenu une valeur, exacerbée par l’avènement des influenceurs, ces nouveaux «héros» et «modèles» qui déstructurent fondamentalement les lieux de médiation sociale.

En tout cas le mal est profond, la société sénégalaise est en train de changer profondément même s’il faut éviter une généralisation simpliste et abusive. Où va le Sénégal ? La réponse n’est plus évidente.

l’as

Part.
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