Pour sa première production sur le continent, Robert Guédiguian a choisi de mettre en lumière cette période exaltante qui succède aux indépendances. Dans un Bamako de 1962 où le socialisme et cette danse venue d’Occident, le twist, règnent en maîtres. Tourné au Sénégal, le film a été projeté ce samedi à Thiès, à la Place de France.

Twist à Bamako, le long métrage du réalisateur français, Robert Guédiguian, relate la lutte syndicale dans le Mali nouvellement indépendant des années 1960. Ce week-end, le film a été projeté à la Pro­menade des Thiessois après une première à Dakar. Une façon pour le réalisateur de renouer avec la population thiessoise, qui a largement participé au tournage. En effet, pas moins de 1500 figurants ont été mobilisés dans la Cité du rail durant le tournage. Twist à Bamako se déroule dans le Mali de 1962. La jeune Répu­blique dirigée par le Président Modibo Keïta vient de reprendre sa pleine indépendance après l’éclatement de la Fédé­ration du Mali. Dans les rues de Bamako, l’exaltation est à son comble et l’optimisme habite la population.

De jeunes militants sillonnent les villes et campagnes pour prêcher la nouvelle religion : le socialisme. Et le soir, ils dansent le twist dans un des nombreux clubs de la ville. Dans un pays encore ancré dans ses traditions, il faut beaucoup d’efforts pour faire bouger les lignes. Mais Samba Touré y croit. Ce jeune militant dirige une des brigades chargées de convertir les masses aux nouvelles théories socialistes. Et c’est durant une de ses tournées que Samba rencontre Lara, une belle jeune fille mariée contre son gré au petit-fils du chef de son village. Dans sa fuite vers Bamako, elle se retrouve au cœur de la brigade de Samba. Avec ses nouveaux amis, elle découvre la vie nocturne de Bamako et aussi l’amour aux côtés de Samba. «Twist à Bamako parle de la période du début des indépendances, donc des années 60, en particulier de l’expérience socialiste de Modibo Keïta et de son rêve de création d’un Etat socialiste panafricain.

Le rêve de ces dirigeants-là était de créer un Etat unique comme la Fédération du Mali. Je trouve qu’il faut continuer à s’interroger et revisiter cette histoire. Des dirigeants comme Modibo Keïta, Nkrumah, Lumumba, étaient de grandes figures de l’intelligence et de la volonté d’émancipation des Africains. Et je crois qu’on les a un peu oubliés», note le cinéaste marseillais, qui pense qu’il «faut absolument les reconsidérer». Ce grand nom du cinéma francophone mondial, qui a reçu plusieurs distinctions, d’insister : «Il faut revenir sur cette époque parce que c’est une époque de twist bien sûr. C’est un moment où commencent la révolution, l’indépendance et la liberté. Et en ce moment-là, les jeunes dansaient beaucoup, il y avait plus de 200 clubs de jazz à Bamako.

Et quand je dis Bamako, ça désigne toute l’Afrique. Et je crois qu’en plus de twister avec leurs corps, les jeunes twistaient aussi avec leurs idées. C’est une leçon pour nous tous. Et ces idées socialistes sont à reconsidérer dans le monde entier. Il faut parler du socialisme, le partage aujourd’hui des richesses est une question centrale pour la survie de l’humanité», dit le réalisateur.

L’inspiration venue des photos de Malick Sidibé
Robert Guédiguian, qui s’est inspiré des photos de Malick Sidibé, estime que «le cinéma, avec ses moyens à lui, peut aussi participer à cette réflexion générale». «Je crois que le cinéma, c’est fait pour divertir et pour réfléchir. C’est pourquoi j’ai fait ce film comme mes films précédents.»

Ainsi Robert Guédiguian espère que les jeunes maliens et sénégalais vont s’inspirer de ce film pour revisiter l’histoire de la fédération qui a lié leurs deux pays pendant un an. «Les jeunes du monde entier ne doivent pas oublier cette tentative-là de recherche de voies nouvelles collectives adaptées à l’Afrique. Le socialisme est une idée théorique, mais elle peut exister de différente manière. En Amérique du Nord, en Afrique, en Asie ou au Moyen Orient, ça existe de manière différente. J’espère que cela inspirera de jeunes Sénégalais, Maliens, Ivoiriens, Burkinabè et que des gens auront envie d’aller revoir cette histoire-là, y repenser, réfléchir, faire des films et faire retwister des idées», a-t-il dit devant le public thiessois.
lequotidien

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